Marie-Thérèse Allier et Jérôme Bel : « Le monde privé de la danse »

Le jeudi 9 janvier 2014 Marie-Thérèse Allier, fondatrice en 1983 à Paris de la Ménagerie de Verre (11° arrondissement), lieu consacré à la danse contemporaine, et le chorégraphe Jérôme Bel, sont intervenus dans le cadre du cycle Poésie Plate-Forme organisé par la Fondation d'entreprise Ricard - Art Contemporain, située à 200 mètres de la place de la Concorde à Paris. En savoir +

Pétition - Soutenir le Théâtre de Vanves

NA! pour Notre Artdanthé est une association ayant pour but la défense, 
le soutien et le développement du projet Artdanthé Facebook 

NOUS PUBLIONS VOLONTIERS LA PÉTITION CI-DESSOUS

« AVIS A TOUS !!!! Signez notre pétition pour que le ministère de la Culture soutiennent le Théâtre de Vanves ! Faites circulez ! 1000 signatures avant la fin du festival, le 5 avril ! MERCI ! (et n'hésitez pas à continuer à nous écrire pour adhérer, la campagne continue...) »

Aurélie Filippetti (1) :  
Artdanthé et le projet du Théâtre de Vanves ne doivent pas disparaître
(1) Aurélie Filippetti est Ministre de la Culture et de la Communication

Le projet du Théâtre de Vanves, et du festival Artdanthé en particulier, est unique dans le paysage culturel français. Volonté d'une équipe menée depuis 16 ans par José Alfarroba, sa ligne artistique a toujours été caractérisée par la prise de risque, l'innovation, la recherche...
C'est une rampe de lancement devenue incontournable pour toute une génération d'artistes, mais aussi un accompagnement dans la durée, fidèle à l'engagement de l'équipe, ainsi qu’une programmation originale, audacieuse et de qualité, pour de nombreux spectateurs vanvéens et d’ailleurs.
 Aujourd'hui, le peu d’engagement du ministère de la Culture et de la Communication fragilise l’existence même d'un projet si nécessaire au dynamisme du vivier artistique français. A ce jour, la Ville de Vanves supporte 90% du budget du Théâtre. Elle ne pourra sans doute pas le garantir, au vu des restrictions budgétaires imposées par les politiques publiques d’austérité, et des nouvelles compétences dévolues aux communes. D'autre part, l'engagement de l'Etat dans ce projet est nécessaire et primordial en tant que gage de reconnaissance d'un projet de soutien à la jeune création nationale et internationale. 
Notre objectif est simple et clair : Alerter et appeler les pouvoirs publics à s’engager financièrement de manière conséquente et pérenne pour le maintien du projet du Théâtre de Vanves.
Défendre le projet Artdanthé, c'est le diffuser, le propager, le faire connaître. C’est s'approprier un état d'esprit et partager des idées. C’est défendre le spectacle vivant et la création contemporaine dans toutes ses composantes, dans sa diversité et sa richesse.
NOUS AVONS BESOIN DE VOTRE SOUTIEN !
Parce qu’Artdanthé c’est nous, par nous et pour nous…OSONS ARTDANTHÉ !
   > LA PÉTITION    

Inauguration du FANA - Fonds d'archives numériques audiovisuelles en danse contemporaine


Dans le cadre de la Journée de l'édition en danse En savoir +
co-organisé par La Briqueterie-CDC (1) Val-de-Marne et Micadanses Paris,
nous sommes heureux de vous inviter au lancement de 

FANA Danse Contemporaine 
Fonds d’Archives Numériques Audiovisuelles en 
Danse Contemporaine

Présentation et mise en ligne des catalogues
Ouverture de l'accès à plus de 280 vidéos  
des fonds d'archives audiovisuelles de Dominique Bagouet 
des Carnets Bagouet et d'Ingeborg Liptay

Le samedi 5 avril 2014, à 14h30 
à La Briqueterie, CDC Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine (94) 
en présence d'Aurore Després et d'Anne Abeille (Carnets Bagouet) 

FANA Danse Contemporaine est conçu par Aurore Després 
au sein de FANUM (2) - Université de Franche-Comté - MSHE Ledoux (3)

(1) Centre de Développement Chorégraphique
(2) Fonds d'Archives NUMériques 
(3) Maison des Sciences de l'Homme et de l'Environnement Claude Nicolas Ledoux

mardi 18 mars 2014

Être soi-même, quel pied ! (le L.A. Dance Project 2 de Benjamin Millepied au Théâtre du Châtelet)


Nous sommes sortis assez bouleversés de la première représentation du programme que le Los Angeles Dance Project (ou L.A. Dance Project) que dirige le chorégraphe Français Benjamin Millepied présentait au Théâtre du Châtelet du 5 au 9 mars..

Mais pas pour les raisons escomptées. Ce ne sont pas tant les quatre pièces que nous retiendrons, dans un programme certes respectable, mais les discussions avec trois interprètes de cette excellente compagnie à l'issue de la représentation. Accueillants, souriants, et surtout prêts à écouter les réserves qu'un inconnu (l'auteur de ces lignes) formulait sur la soirée et à y répondre de façon argumentée et tranquille. Mélange rare d'humanité et de pensée.

La critique amicale et bienveillante n'est pas perçue le plus souvent comme pouvant être stimulante. Pourtant, le débat est un élément vivant de la démocratie. 

L'idée de cette compagnie comme collectif de créateurs, que défend Benjamin Millepied, avait ainsi pris corps devant nous de façon inattendue et surprenante. Il est vrai que l'on ne donne la parole comme d'habitude qu'à l'un, et pas aux autres.

En écrivant cela, nous faisons preuve d'un optimisme excessif. Nous commettons même une erreur puisque le « Collectif de créateurs » désigne, dans le programme, non pas les danseurs mais « Charles Fabius, Nicholas Britell, Mathieu Humery, Nico Muhly ». Respectivement « Producteur fondateur » (titre officiel), « Compositeur, pianiste et producteur », « vice-président et directeur du département photo de Christie's » et « compositeur » (les trois dernières désignations sont extraites des biographies fournies dans le programme vendu 10 €). L'ancien danseur Français Dimitri Chamblas, qui a travaillé avec Régine Chopinot, Mathilde Monnier, Emmanuelle Huynh et Boris Charmatz, ne figure plus dans ce Collectif.   

Quant à la soirée proprement dite, elle nous a plongé dans une grande perplexité.

EMANUEL GAT Morgan’s Last Chug [Dernier souffle de Morgan] 


En ouverture, le chorégraphe Israélien installé en France depuis 2007 Emanuel Gat présentait Morgan’s Last Chug [Dernier souffle de Morgan]. C'est très intéressant, sauf que cette écriture et atmosphère très particulières ont déjà été vues... il y a ving ans... au même endroit. Dans les années 90 en effet William Forsythe et son Ballett Frankfurt régalaient les spectateurs du théâtre du Châtelet. Sans doute tout cela est-il aujourd'hui très bien fait, mais comment accepter vraiment la proposition ? D'autant que jadis l'émotion nous submergeait. Aujourd'hui, on observe avec une certaine distance un processus. Du William Forsythe, mais sans son âme. Ne faut-il donc n'avoir aucune mémoire ? Et aucune culture chorégraphique (au sens le plus simple de savoir que quelque chose existe ou a existé) ? Et, puisque l'oubli semble avoir frappé tant de gens, on trouvera à la fin de ce texte la liste complète des œuvres de William Forsythe avec son Ballett Frankfurt qui y furent jouées. 

HIROAKI UMEDA Peripheral Stream [Courant périphérique]
Ci-dessous, Morgan Lugo








Le Peripheral Stream [Courant périphérique] du Japonais Hiroaki Umeda est la meilleure surprise de la soirée. Le dispositif vidéo est particulièrement efficace et la danse fluide.   

Mais cela fait penser au défunt Dumb Type, sans en avoir le génie fondateur, que nous avons découvert à la Maison des Arts de Créteil dans les années 90. Sur Wikipédia on trouve cette description : « Dumb Type (en anglais : imbécile) est un collectif d'artistes multidisciplinaire fondé en 1984 à Kyoto (Japon) par des étudiants de l'Université municipale des Arts de Kyoto. Il regroupe des comédiens, graphistes, vidéastes, architectes, danseurs, ingénieurs du son, musiciens, et expose ses œuvres en tous lieux, investissant l'espace par des installations complexes, pour critiquer avec un humour féroce la transformation de notre quotidien par la technologie, remettre en cause la toute puissance des médias, ou questionner sur les frontières entre la vie et la mort. » Hiroaki Umeda semble n'en conserver que la forme plastique, évidée de tout contenu social et politique. 

BENJAMIN MILLEPIED Closer [Proche]

Sans doute le seul intérêt de Closer [Proche], de Benjamin Millepied, est-il de nous faire prendre conscience à quel point il a progressé depuis. Ce duo de 2006 est des plus traditionnel : un grand gaillard et une petite jeune femme qui lui arrive à l'épaule. Il est un peu inquiétant que la proposition ait recueilli les plus forts applaudissements. Mais il est vrai qu'après la période extra-ordinaire du Ballett Frankfurt - William Forsythe (1989-1998), s'est abattue une ère conservatrice en matière de danse. 
   
Le sujet de l'amour entre deux êtres a été traité avec plus d'ampleur et de profondeur dans l'exceptionnel Reflections de Millepied, présenté lors du premier passage de la compagnie en mai 2013. Un amour égalitaire, sans violence ni domination ; et sans mièvreries. Ces réflexions rejoignent celles du sociologue Français Pierre Bourdieu, qui écrivait dans La domination masculine, paru en 1998, qu'il souhaite « la mise en suspens de la force et des rapports de force qui semble constitutive de l'expérience de l'amour ou de l'amitié, » précisant que s'en est ainsi « fini (...) des stratégies de domination qui visent à attacher, à enchaîner, à soumettre, à abaisser ou à asservir en suscitant des inquiétudes, des incertitudes, des attentes, des frustrations, des blessures, des humiliations (...). (p. 117) » De quoi faire ricaner les cyniques.

JUSTIN PECK Murder Ballads [Ballades meurtrières]  



Le Murder Ballads [Ballades meurtrières] de l'États-Unien Justin Peck est aussi un bon travail. Mais Jerome Robbins faisait la même chose il y a cinquante ans. Précisons que Justin Peck, 26 ans, est soliste au New York City Ballet depuis février 2013, chorégraphe en résidence depuis juillet 2011, et compte 19 ballets à son actif, réalisés de 2009 à aujourd'hui.   

LE PASSÉ EST-IL L'AVENIR ?

Benjamin Millepied, qui prendra la direction du Ballet de l'Opéra national de Paris le 15 octobre prochain, compte inviter Justin Peck (cf. photo à droite). Pourquoi pas. Mais il faudra expliquer à ce dernier que depuis cinquante ans il s'est passé beaucoup de choses dans le domaine de la danse en Europe et singulièrement en France. Et qu'il ne peut pas faire comme si le monde n'avait pas changé. 

En résumé, on peut dire qu'il s'agit d'une soirée Gat-Forsythe, Umeda-Dumb Type, Millepied-Preljocaj et Peck-Robbins. D'où l'inévitable question : quelle modernité Benjamin Millepied veut-il installer à l'Opéra de Paris ? D'autant que les propositions véritablement novatrices sont écartées. Ainsi, pas de Michael Clark, de Karole Armitage ou d'Andonis Foniadakis. Sans même parler d'une pièce aussi puissante que The Great Mass de l'Allemand Uwe Scholz (1958-2004).   

Dans les années 90, le hall du Théâtre du Châtelet comptait un guichet qui proposait des places peu chères pour les personnes aux revenus modestes, comme par exemple les étudiants (prix des places : 55 et 44 € pour une bonne visibilité; la carte jeune n'est plus disponible depuis l'année dernière). Tout cela a disparu. Et le soir de la première, c'est Vivendi, multinationale française spécialisée dans la communication et le divertissement, qui l'occupait...   
Fabien Rivière
Photographies de Marie-Noëlle Robert pour le Théâtre du Châtelet.  

Benjamin Millepied présente une création, Daphnis et Chloé, du 10 mai au 8 juin, à l'Opéra de Paris - salle Bastille En savoir +. Diffusion en direct au cinéma le 3 juin et en différé sur France Télévisions. 

Liste des œuvres de William Forsythe avec le Ballett Frankfurt jouées au Théâtre du Châtelet de 1989 à 1998 (directeur du théâtre : Stéphane Lissner) : 
décembre 1989 : Impressing the Czar - Pretty Ugly - Die Befragung des Robert Scott - Enemy in the Figure
— octobre 1990 : Slingerland - Limb’s Theorem
— juin 1991 : No Wild Ones - The Vile Parody of Address - The Second Detail
— février/mars 1992 : Artifact - The Loss of Small Detail
— octobre 1992 : New Sleep - Hermann Schmermann - As a Garden in this Setting
— juin 1993 : Impressing the Czar 
— octobre 1993 : Alie/n A(c)tion + The Vile Parody of Adress -Septetxt - Quintett
— avril 1994 : Hermann Schmermann - Enemy in the Figure - Quintett + As a Garden in this Setting
— juin/juillet 1995 : Eidos:Telos + Firstext - Invisible Film - Of any if and
— mai 1996 : Limb’s Theorem - Six Counter Points
— juin/juillet 1997 : The Loss of Small Detail + Sleepers Guts
— juin 1998 : Isabelle’s Dance + Eidos:Telos - Hypothetical Stream 2 - Firstext - Quintett  

"Le Monde" - Les batailles culturelles des municipales


1/17 Le Musée qui affole l'arène politique nîmoise, 24 février 2014. ICI 
CORRESPONDANCE Une lettre de d'Elizabeth de Portzamparc, 12 mars 2014.

2/17 À Blois, l'ombre de la Fondation du doute plane sur l'héritage de Jack Lang, 25 février 2014. ICI

3/17 À Biarritz, la Cité de l'océan fait des vagues, 26 février 2014. ICI 

4/17 Hôtel ou musée ? L'ancien palais épiscopal divise Béziers, 27 février 2014. ICI

5/17 À Bourges on enterre bien la Maison de la culture, 28 février 2014. ICI 

6/17 Guerres des roses à Moissac, 1er mars 2014. ICI 

7/17 À Nantes, l'Arbre aux hérons fait des couacs, 3 mars 2014. ICI 

8/17 Le Musée de la marine ne finit pas de balloter La Rochelle, 5 mars 2013. ICI

9/17 À Paris, l'appétit foncier de la Fondation Cartier a du mal à passer, 6/3 14. ICI   

10/17 Paris : quel avenir pour la Cinémathèque Robert-Lynen ?, 7 mars 2014. ICI 

11/17 Ouvrir la prison d'Angers à l'art contemporain, 8 mars 2014. ICI

12/17  À Reims, ce sera piscine ou beaux-arts, 10 mars 2014. ICI 

13/17 Tir groupé contre le « Petit Beaubourg » d'Albi, 11 mars 2014. ICI    

14/17 Montignac et sa « grotte de Lascaux », 12 mars 2014. ICI    

15/17 Vosges : une synergie culturelle critiquée par le Front national, 13/3/14. ICI  

16/17 Agitation autour de la prison d'Avignon, 14  mars 2014. ICI 

17/17 La gestion des arènes de Bayonne en question, 15 mars 2014. ICI  

PAR AILLEURS 
À Rennes, le directeur du TNB vante la municipalité PS à ses abonnés, 15/3/2014. ICI  

Culture : deux lettres de Jack Ralite au Président de la République


Jack Ralite (cf. photo ci-dessus), 85 ans, est bien connu, et respecté, des milieux culturels. Il vient de faire parvenir au Président de la République deux lettres à un mois d'intervalle, que nous publions ci-dessous, portant sur la politique culturelle de l'État et qui ont reçues un écho certain dans ces milieux.
Fabien Rivière
– Interview de Jak Ralite au sujet de la 1ère lettre, La MarseillaiseICI 
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JACK RALITE, UNE BIOGRAPHIE source : wikipédia 

Journaliste à L'Humanité, chargé des pages « culture » de l'édition dominicale, il est élu au conseil municipal d'Aubervilliers (93) en 1959, et devient adjoint d'André Karman.

Député communiste depuis 1973, Jack Ralite entre au gouvernement en juin 1981, devenant ministre de la santé puis de l'emploi dans les 2° et 3° gouvernements de Pierre Mauroy de 1981 à 1984

En 1984, il est élu maire d'Aubervilliers et siège au conseil régional d'Île-de-France de 1986 à 1992. Il est élu sénateur le 24 septembre 1995 puis réélu le 26 septembre 2004. Il démissionne en 2003 de la mairie d'Aubervilliers au profit de Pascal Beaudet, mais demeure conseiller municipal. Il a également été vice-président de Plaine Commune de 2000 à 2004.

Animateur des États généraux de la culture depuis 1987, et président des Carnets Bagouet depuis 1997, il siège aux conseils d'administration du Théâtre du Peuple depuis 1999, du Festival Paris quartier d'été depuis 1996, de la Cité de la musique entre 1999 et 2006, du Théâtre national de la Colline et de l'Ensemble intercontemporain depuis 2002 et du Centre des monuments nationaux de 2004 à 2008.

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13 février 2014
Lettre de Jack Ralite au Président de la République :
 "La politique culturelle ne peut marcher à la dérive des vents budgétaires"

Monsieur le Président,

  Par nos engagements culturels, artistiques et citoyens, nous sommes fidèlement attachés à la politique culturelle française que nous entendons voir se développer selon le principe d’invention de la perpétuelle ouverture. Or, nous constatons que cette démarche après avoir marqué le pas connaît notamment par la politique budgétaire de notre pays une situation s’aggravant de jour en jour. Beaucoup de ce qui avait été construit patiemment se fissure, voire se casse et risque même de disparaître. Le patrimoine dans sa diversité, le spectacle vivant dans son pluralisme, l’écriture, les arts plastiques, les arts de l’image et l’action culturelle sont en danger.

Faute de crédits suffisants, de personnels, de négociations, de considération et de reconnaissance du travail humain, du respect des métiers, se répandent des malaises, des souffrances, des colères. Le Ministère de la Culture risque de n’être plus le grand intercesseur entre les artistes et les citoyens. Il perd son pouvoir d’éclairer, d’illuminer. Les collectivités territoriales, dont le rôle est devenu immense en culture et en art,  voient leurs finances brutalisées et réduites par Bercy. L’Europe continue d’avoir une médiocre politique culturelle alors même qu’elle négocie avec les Etats-Unis un Traité de libre échange, gravissime pour la culture. Google, l’un des accapareurs des nouvelles technologies à civiliser, limite les citoyens à n’être que des consommateurs et s’installe en Irlande pour ne pas avoir à payer d’impôts en France. 

Le travail est tellement livré au management et à la performance que les personnels se voient ôter leurs capacités de respiration et de symbolisation. On a l’impression que beaucoup d’hommes et de femmes des métiers artistiques sont traités comme s’ils étaient en trop dans la société. On nous répond, c’est la crise. La crise ne rend pas la culture moins nécessaire, elle la rend au contraire plus indispensable. La culture n’est pas un luxe, dont en période de disette il faudrait se débarrasser, la culture c’est l’avenir, le redressement, l’instrument de l’émancipation. C’est aussi le meilleur antidote à tous les racismes, antisémitismes, communautarismes et autres pensées régressives sur l’homme.

Mais la politique actuelle est marquée par l’idée de « donner au capital humain un traitement économique ». Il y a une exacerbation d’une allégeance dévorante à l’argent. Elle chiffre obsessionnellement, compte autoritairement, alors que les artistes et écrivains déchiffrent et content. Ne tolérons plus que l’esprit des affaires l’emporte sur les affaires de l’esprit.

On est arrivé à l’os, et cinquante ans de constructions commencent à chanceler. Les êtres eux-mêmes sont frappés, le compagnonnage humain s’engourdit. L’omniprésence d’une logique financière d’Etat installe une dominance sur les artistes. Nous craignons le risque du pire dans la demeure culturelle. Le Medef ne vient-il pas de réclamer le transfert à l’Etat des annexes 8 et 10 de l’Unedic relatives aux intermittents du spectacle.

L’urgence est de stopper l’agression contre « l’irréductible humain », là où la femme, l’homme trouvent le respect d’eux-mêmes et le pouvoir de reprendre force contre tous les raidissements normatifs, les coups de pioche, le mépris, l’arrogance. Il est temps à ce « moment brèche » d’accomplir la fonction du refus à l’étage voulu. Il y a besoin d’une nouvelle conscience alors que croît la tentation de réduire la culture à un échange : j’ai produit, tu achètes. La culture se décline au contraire sur le mode : nous nous rencontrons, nous échangeons autour de la création, nous mettons en mouvement nos sensibilités, nos imaginations, nos intelligences, nos disponibilités. C’est cela qui se trouve en danger et requiert notre mobilisation et notre appel en votre direction.

L’histoire garde un geyser de vie pour quiconque a l’oreille fine et écoute éperdument. Encore faut-il renoncer au renoncement. L’homme est plein à chaque minute de possibilités non réalisées. Nous avons tous un pouvoir d’agir à mettre en marche. C’est avec ces idées en tête et au cœœur que nous souhaitons, Monsieur le Président, vous faire part de notre vive inquiétude et vous demander de maintenir et de développer la politique culturelle. Un budget minoré pour ce travail indispensable serait grave. Même le surplace conduirait à des agios humains et politiques, à un freinage dans la culture.

La politique culturelle ne peut marcher à la dérive des vents budgétaires comme la politique sociale d’ailleurs avec qui elle est en très fin circonvoisinage. « L’inaccompli bourdonne d’essentiel » disait René Char.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en notre haute considération.

Anne ABEILLE, Sylvie GIRON, Michèle RUST « Les Carnets Bagouet »
Sophie AGUIRRE secrétaire générale de Sud – Culture – Solidaires
José ALFARROBA directeur du théâtre de Vanves et du Festival Artdanthe
Anne ALVARO comédienne
Ariane ASCARIDE comédienne
Georges BALANDIER professeur honoraire à la Sorbonne (sociologie – anthropologie)
Jean Damien BARBIN comédien
Marie-Christine BARRAULT comédienne
Michel BATAILLON dramaturge, 
et beaucoup d’autres…

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Le 13 mars 2014

Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Monsieur le Président,

Le 13 février dernier nous vous adressions une lettre relative à la situation très difficile de l’actuelle politique culturelle française.

Elle était signée par 157 personnalités représentant tout le monde concerné et exprimant un pluralisme rarement atteint : pluralisme des métiers, des sensibilités, des esthétiques, des territoires, des équipements du plus grand au plus petit, des artistes consacrés ou débutants. A cette diversité culturelle s’étaient ajoutés le monde des chercheurs et les cinq syndicats (CGT, CFDT, FSU, SNSC-UNSA, SUD) du ministère de la Culture.

Ce courrier vous l’avez senti parlait de sens, de conscience, il avait aussi comme dirait Pasolini « le sourire de la véritable espérance ».

Depuis chaque jour, nous recevons des soutiens.

Un mois après les signatures ont afflué et affluent. Beaucoup d’équipements l’ont répercuté auprès de ceux qui les fréquentent et nous sommes aujourd’hui comptables de plus de 6000 signatures.

De plus, nous avons pris connaissance du communiqué des huit grandes organisations culturelles que vous avez reçues le lundi 24 février dernier et nous y avons noté :

« Le Président de la République s’est voulu rassurant face aux difficultés sans précédent que rencontre le secteur. Mais dans l’attente d’engagements plus précis et de décisions concrètes, la profession ne doit pas relâcher sa vigilance ni ses exigences. Les organisations professionnelles appellent donc à rester très mobilisés sur ces enjeux de politiques publiques et d’emploi culturel qui engagent l’ensemble de la vie culturelle de la France ».

C’est pourquoi nous vous adressons aujourd’hui une deuxième liste de 226 signataires, tout aussi pluraliste que dans le premier courrier et qui indique combien est profonde et assurée la revendication d’une véritable politique culturelle corrigeant les manques et les remises en cause d’aujourd’hui qui ne concernent pas seulement des pierres, mais des valeurs humanistes et populaires.

Nous continuerons régulièrement à vous informer de l’ampleur de ce mouvement où commence à circuler l’idée qu’étant donné le bas niveau du budget de la culture, continuer de toucher à ses crédits peut apparaître comme une décision et non comme une impossibilité. On parle de plus en plus de décision d’abandon et il est souhaité que vous en mesuriez bien toutes les conséquences.

Un écrivain a pu dire : « Attention à l’inaccompli, attention aux retards d’avenir ».

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en notre haute considération et à notre engagement indéfectible pour la culture et la création artistique.

Pour Dominique Blanc, Catherine Tasca et Michel Piccoli.
Jack Ralite – 2 allée Henri Matisse – 93300 Aubervilliers