samedi 18 juin 2011

Disparition de Jean-Claude Pambè Wayack (1971-2011)

Né le 1er février 1971 à Yaoundé au Cameroun, Jean-Claude Pambè Wayack arrive en France à l’âge de 8 ans. Issu d’une grande famille de sportifs et d’artistes, il s’initie très vite au foot, au karaté, au hand-ball. C'est en 1984 que l'émission H.I.P. H.O.P., animée par Sidney, est diffusée à la télévision, sur TF1. Il découvre alors la diversité du hip-hop et des danses qu'on appelle à l'époque le smurf, le pop, le break et le locking. Il s'y entraîne dans les halls d'immeubles avec ses amis, dont certains rejoindront plus tard la compagnie Black Blanc Beur, une des  premières compagnies professionnelles en France.

En 1988, il fonde avec des amis sa 1ère compagnie de danse, Macadam. En sept ans, la compagnie crée plusieurs chorégraphies collectives : West Side Story, Sans Tambours ni Trompettes, Garçons s'il vous plaît, Jungle, ... Macadam devient l'ambassadeur du hip-hop à travers la France, participant à plusieurs manifestations à cet effet.

En 1990, sa compagnie fait la première partie du groupe N. T. M. à Montreuil, participe au 1er Festival de hip hop à Beaubourg, et à la 1ère édition de Suresnes Cité Danse (1993).

En 1991 il rencontre Christian Tamet, alors directeur du Théâtre Contemporain de la Danse (TCD). C'est à travers cette rencontre qu'il  poursuit sa formation professionnelle, notamment en danse contemporaine, auprès de Joseph Nadj, Pierre Doussaint, Karole Armitage (USA), Storm, Brian Green, Jazzy J, Gabin Nuissier, Easy Rock, Poppin Pete (membre et fondateur du poppin et des Electrics Boogaloo).

En 1994, il crée Sobedo au Casino de Paris, un conte hip hop pour 20 danseurs, qui tourne beaucoup.

En 1996, il fonde sa propre compagnie, Pambè Dance Company, avec laquelle il travaille, dans le monde entier, à la mise en place de projets visant la professionnalisation du métier de danseur hip-hop, à travers des projets de formation, d'ateliers de travail, workshops, stages et même des créations. Il a mis par exemple sur pied le projet Passerelle Sociale, dont le but est de favoriser les échanges entre l'Afrique et l'Europe. Dans ce cadre sont nés différents projets artistiques et pédagogiques Nord-Sud, plus récemment un projet d'échange et de création sur deux ans, dans le cadre de l'événement Hoptimum 08/09 en France.

Entre 1998 et 2002, il met en place la Formation des Formateurs, projet dédié aux danseurs professionnels ou en formation. Le but de ce projet était de réunir le maximum de formateurs hip-hop de la région de Paris et de l'Île-de-France, afin de rassembler leurs acquis, et de travailler sur leurs lacunes. Ce projet a été conçu et réalisé par la Pambè Dance Company, a été soutenu par la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports du 92, l'ADIAM 92 et l'ADIAM 91.

En parallèle, il continue à réaliser des commandes et de créer ses propres créations, dont plus d'une vingtaine avec sa compagnie, la Pambè Dance Company. Ainsi : Francs Tireurs, Mystère, Uyemboo [« Comment vas-tu ? », en bassâa, solo, Festival d'Avignon, 2000], A Sogol [« Grand-père », en bassâa], Mè Yemboo [« Je vais bien », en bassâa, 2006], etc.

Il travaille avec le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris : Un Jour sur Place, avec Odile Duboc, directrice du Centre Chorégraphique National de Belfort, Mystère, avec Pedro Pauwels, avec Régis Obadia, et multiplie les expériences, notamment dans le cinéma.

En 2004, pour des raisons personnelles, il s'installe à Saint-Gilles, à Bruxelles. Il rencontre des danseurs et des chorégraphes de la communauté française, par exemple Thierry Smits et Michèle-Anne de Mey.

Il rencontre Patrick LOR dit SAHO, un des danseurs les plus connus de la scène hip-hop Belge. Des projets de coopération, d'échanges de savoir-faire, de mise en réseaux, de circulations d'informations et de spectacles émergent alors.
Une page du programme du festival Hoptimum, Danse hip hop en Seine-et-Marne, édition 2009. 
La pièce  est un duo avec Bienvenue Bazié et Bernard Wayack Pambè.


   INTERVIEW    de Jean-Claude Pambè Wayack
 paru dans le Journal du CNSMDP 
[Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris], n°15, février 1996
Le contexte : Jean-Claude Pambè Wayack était invité par le CNSMDP, avec 5 autres chorégraphes, pour une création avec les élèves de 3° et 4° année, lors d'une résidence de quatre semaines. Les travaux ont été présentés lors du programme Danses d'aujourd'hui (17-19 janvier 1996).

Jean-Claude Pambè Wayack : Le rap fait partie au même titre que les graffeurs et les DJ du hip-hop. Ce mouvement, né aux Etats-Unis dans les années 70, est arrivé en France dix ans plus tard. J'ai pris le train en marche, d'abord dans un groupe de ma cité, puis dans la compagnie Macadam à Montreuil. Selon la formule consacrée, j'avais le rythme dans la peau, et le reste, je l'ai appris dans la rue.
Comment êtes-vous passé de la danse comme loisir à en faire votre métier ?
Je me suis posé la question de mon avenir après le service militaire. J'ai même failli m'engager, mais finalement j'ai choisi de revenir à la danse. Cela est devenu sérieux avec nos premiers contrats, à la demande de municipalités, puis en tournées. Notamment, en juillet 1994, grâce à une commande du Théâtre contemporain de la danse, Sobedo un conte hip hop, jouée au Casino de Paris puis en tournée.
Est-ce que cette technique hip hop est exigeante ?
Comme toute technique. Au départ, on a l'avantage de pouvoir la danser n'importe où, pourvu qu'on dispose d'un parquet suffisamment glissant et d'un poste pour la musique. Elle s'apprend dans la rue, où elle est née. La plupart des chorégraphes hip hop ont juste suivi des stages, pour ma part avec Joseph Nadj, Pierre Doussaint. La force du hip hop est faite d'emprunts et de mélanges. C'est une danse sans répertoire, imprévisible comme la rue, qui laisse au danseur la liberté de s'exprimer dans l'improvisation, le free style.
Quelles qualités suppose-t-elle?
Les mêmes que les autres danses, et surtout aimer ce que l'on fait, travailler et aller jusqu'au bout. Je n'aime pas la mentalité des castings. Mon choix des danseurs, je l'ai fait en les observant en cours, en fonction de certains critères propres à ma gestuelle, la souplesse et la rapidité d'assimilation notamment; et je suis surtout sensible à la qualité d'émotion de chacun.
A-t-il été facile pour vous d'entrer dans un Conservatoire ?
Je ne pouvais pas imaginer qu'un jour j'aurais à réaliser une chorégraphie en un tel lieu dont j'ignorais tout. Pour moi, le Conservatoire de Paris, c'était une grande institution formant des danseurs de haut niveau. A la longue, j'ai compris qu'on avait chacun notre univers et que nous pouvions, en tant qu'artistes danseurs, échanger le meilleur de notre art.
Aimeriez-vous prolonger cette expérience au Conservatoire?
Oui, mais, cette fois, en mélangeant danseurs des rues et élèves du Conservatoire, pour qu'il y ait un véritable échange et un enrichissement mutuel.

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