mardi 27 octobre 2015

La haine de la Joie

Nous publions de façon plus visible le commentaire d'un lecteur déposé le 23 octobre 2015, shiatsu.paris, que nous remercions vivement, en réaction à notre article de juin 2014 Intermittents - Le chorégraphe Angelin Preljocaj est contre la grève + Une réponse d'Anthony Gérard

Le texte ci-dessous s'applique fort bien au milieu de la danse en général et à la danse contemporaine en particulier (cf. L' « Ouverture » ratée du Centre national de la danse).   
Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes sont tous ceux qui diminuent notre puissance d’agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, ou, comme dit Virilio, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle qu’est la vie … On a beau dire « dansons », on est pas bien gai. On a beau dire « quel malheur la mort », il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l’âme autant que du corps, ne nous lâcheront pas, vampires, tant qu’ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien-aimée, le ressentiment contre la vie, l’immonde contagion. Tout est affaire de sang. Ce n’est pas facile d’être un homme libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d’agir, s’affecter de joie, multiplier les affects qui expriment un maximum d’affirmation. Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience. 
Dialogues - 1977 - Gilles DELEUZE et Claire PARNET

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