dimanche 23 décembre 2012

Desh, d'Akram Khan : préférer le DVD documentaire, éviter le spectacle

Couverture du DVD documentaire Les six saisons consacré à Desh, d'Akram Khan
Affiche de Desh, façade du Théâtre de la Ville - Paris, Photo Espaces Magnétiques
En ouverture de Desh, la nouvelle création d'Akram Khan, solo qu'il interprète, on l'observe debout face au public, une lourde masse à la main frappant au sol un morceau de métal plat qui possède en son centre une ouverture de forme circulaire d'où émerge une très fragile pousse en terre de ce que l'on imagine être un arbre. Et déjà on se dit que cela commence mal : le son, amplifié, est trop fort, comme pendant toute la pièce, et déjà cette façon de tout surligner avec un marqueur (musical). C'est étouffant, on peut même par moment se croire au cinéma en train de regarder un film américain à gros budget.  

Le solo a été créé en 2011 à Londres. Soit avant qu'Akram Khan ne soit immobilisé six mois après une grave blessure au tendon d'Achille qui l'a contraint en janvier 2012 à annuler une série de représentations de son duo avec Sylvie Guillem au Théâtre des Champs-Élysées. Ce n'est donc pas la raison qui  l'amène à être un personnage et non un danseur. Installé à Londres où il est né, ses parents vivent au Bangladesh. Il expose ses relations tendues avec son père, les discussions avec sa jeune nièce, les appels téléphoniques à son opérateur téléphonique quand il réside au Bangladesh et qu'il ne peut plus accéder à la messagerie de son iPhone. Rien d'inoubliable. À l'exception de cette discussion téléphonique avec son père qui lui indique que des terres (familiales) l'attendent au pays. Mine de rien, il est alors question de la violence de l'impératif que porte l'héritage. 


Mais c'est au début, quand il penche la tête vers l'avant et découvre sur son crâne lisse le dessin stylisé à la peinture noire d'un visage, figurant une marionnette, ou à la fin, quand il danse pendant quelques minutes, lâchant prise enfin, qu'il touche. Il propose alors d'autres motricités.  

Sinon, cette façon de tout cadenasser déçoit. Comme s'il fallait assurer absolument "du spectaculaire" à de l'humain, c'est-à-dire aussi à du silence, à du lâcher prise, à du doute, à une certaine finesse. En quoi est-ce encore de la danse contemporaine ? Ne faudrait-il pas proposer une nouvelle catégorie : danse spectaculaire.

Le jeune cinéaste Français Gilles Delmas a eu la bonne idée de suivre Akram Khan lors de la création. Il en revient avec un excellent documentaire qui vient d'être publié en DVD, Les six saisons
 (dont les deux visuels ci-dessous sont extraits). 


Il circule entre la MC2: Maison de la Culture de Grenoble où le chorégraphe est artiste associé depuis mai 2011 pour trois ans et le Bengladesh puisque la pièce travaille la question de la mémoire, de la relation au père et de la façon dont deux cultures peuvent coexister (ou pas) en soi.


À Grenoble, on découvre le travail de répétitions, un Akram Khan plus intime, plus tranquille, sans les couches supplémentaires et à notre avis superflues que sont la musique, les lumières, la scénographie, et sans la précipitation et la tension d'une trop grande vitesse. Au Bangladesh, le documentaire est épatant, plastiquement et humainement renversant, et pourquoi pas émouvant quand il filme les rues et les habitants de Khulna (cf. carte ci-dessous), la troisième ville du pays par sa population, les rives, et le Camp de réfugiés de Sutarkhali au sud de Khulna en pleine activité, victimes du cyclone Alia en 2009 et plus largement du réchauffement climatique et de la montée des eaux. Il filme la vie. 

PS. Une dépêche AFP du 13 décembre expose les projets du chorégraphe : « Un nouveau cycle est en route: un bébé avec sa compagne japonaise en février, une pièce en préparation autour du "Sacre du printemps", dont on fête le centième anniversaire en mai 2013 au Théâtre des Champs-Elysées à Paris [en réalité, du 24 au 26 juin site], un premier film dont il faut réunir les financements. » 

Desh, solo d'Akram Khan, Théâtre de la Ville - Paris, du 19 décembre 2012 au 2 janvier 2013 ICI, Tournée ICI.

– DVD Les six saisons / The six seasons, film documentaire de Gilles Delmas, Editions Lardux Films (Montreuil, 93), versions anglais et anglais sous-titré en français, 2012, 52 minutes, 12 € à la librairie du Théâtre de la Ville - Paris (ouverte une heure avant chaque représentation), librairie de l'Opéra Garnier ICI; 15 € (prix éditeur). En savoir + 
Carte du Bangladesh, site de l'ambassade de France à Dacca, Bangladesh, consulté le 23 déc. 12

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