vendredi 8 mars 2019

La « Gravité » sans gravité d'Angelin Preljocaj

Gravité, d'Angelin Preljocaj, Photo Jean-Claude Carbonne

Créée en septembre 2018 pour la Biennale de la danse de Lyon, Gravité, la nouvelle pièce pour 13 danseurs du Ballet Preljocaj, basé à Aix-en-Provence, était présentée à Paris au TND (Théâtre national de la danse) Chaillot, en février pour une série de 13 représentations.

Dans la feuille de salle, le chorégraphe explique :  
La gravitation est l’une des quatre forces fondamentales qui régissent l’univers. Elle désigne l’attraction de deux masses. Elle est invisible, impalpable, immanente. C’est pourtant elle qui crée ce qu’on appelle la pesanteur. 

Depuis des années, les notions de poids, d’espace, de vitesse et de masse ont traversé de façon intuitive ma recherche chorégraphique. (...)

(...) j’attends de cette problématique de la gravité qu’elle m’ouvre de nouveaux espaces d’écritures. // J’ai besoin régulièrement d’entrer dans la chair de mon langage, de réinterroger abstraitement le mouvement en revenant aux bases. 

À vrai dire, ce que l’on voit sur le plateau diffère sensiblement de ce que pense faire le chorégraphe. La pièce alterne des scènes qui sont travaillées par la question du couple (hétérosexuel) — où la femme est l’égale de l’homme voire le domine dans un rituel sado-masochiste, — et des ensembles assez mécaniques, rapides et efficaces. Pourquoi pas traiter du couple, en effet. On peut toujours prétendre qu’il incarne « l’attraction de deux masses », sauf que l’on est ici dans le registre de la psychologie traditionnelle et non pas dans celui de la physique des particules.

Angelin Preljocaj se dit « fidèle à un principe d’alternance entre des pièces de recherche pure et des ballets plus narratifs ». Dit autrement, il alternerait pièce de danse contemporaine et pièce de danse classique. Il aurait la souveraine liberté de pouvoir passer de l’un à l’autre. Mais ce que l’on voit c’est que ce travail qui se veut contemporain est en réalité très classique, plus précisément très plombé par les façons de penser et de faire de la danse classique. Preljocaj est de toute façon depuis longtemps plus un "classique" qu’un "contemporain". Il pense pouvoir jouer sur les deux tableaux. Mais le peut-on ? Et qui le peut ? Il faudrait aussi parler de ce passage étrange, faible, et hors sujet ?, vers la fin, où soudain retentit le Boléro de Maurice Ravel, qui demeure hanté par ce qu’en a fait magistralement Maurice Béjart en 1960 avec son Ballet du XX° siècle, autrement plus élégant, construit, puissant (par exemple avec Maia Plissetskaïa, en 1974, à voir ICI). 

Le tout est plus une machine spectaculaire qu’une œuvre, au sens de l’expression existentielle d’un créateur. 
Fabien Rivière
Gravité, d'Angelin Preljocaj, TND Chaillot, du 7 au 22 février 2019. En savoir +  TOURNÉES 

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