jeudi 3 mai 2018

FAIR[E], un regroupement de 6 chorégraphes et 2 pros hip-hop succède à Boris Charmatz à la direction du Centre chorégraphique national de Rennes

Johanna Faye et Saïdo Lehlouh, Photos DR
Iffra Dia, Photo DR
Ousmane Sy, Photo DR
Linda Hayford, Photo DR
Bouside Aït-Atmane, Photo DR
(de gauche à droite) Céline Gallet et Marion Poupinet, Photos DR

Qui pouvait succéder à Boris Charmatz pour prendre la direction du prestigieux Centre chorégraphique national (CCN) de Rennes, — qu'il a rebaptisé Musée de la Danse, — qu'il quittera à la fin de l'année à l'issue d'une aventure de dix ans ?  La nouvelle est effective depuis hier matin. C'est officiel depuis aujourd'hui : « le collectif FAIR[E] » est nommé. Il est composé de 8 personnes : 6 chorégraphes hip-hop et, selon le communiqué de presse du Ministère de la Culture et de la Communication (que nous publions ci-dessous), 2 « professionnelles reconnues, Céline Gallet et Marion Poupinet, créatrices de la structure de production mutualisée, Garde-Robe »Pour notre part, nous parlerons plutôt d'un regroupement, de 6 chorégraphes qui ont été associés pour l'occasion : Johanna Faye et Saïdo Lehlouh, Linda Hayford, Ousmane Sy, Iffra Dia et Bouside Aït-Atmane (Sandrine Lescourant, initialement annoncée, s'est finalement retirée). On préfère cette dénomination à celle de collectif, qui suggère des artistes travaillant déjà ensemble depuis un certain temps dans une structure commune. C'est assez original : cette structuration est une initiative du Ministère de la Culture et de la Communication qui a sollicité une boîte de production d'artistes de danse urbaine, Garde Robe (Site), pour qu'elle en choisisse en son sein certain-e-s. Ils se connaissent depuis un certain temps et se respectent. 

Cette structure associe deux générations de chorégraphes : des "jeunes", Johanna Faye et Saïdo Lehlouh (duo artistique, et couple dans la vie), Linda Hayford et Bouside Aït-Atmane et des plus chevronnés, pas forcément très connus à l'extérieur mais respectés à l'intérieur du milieu, et dont le travail est de qualité : Iffra Dia (cf. notre L'art d'Iffra Dia fait du bien) et Ousmane Sy. 

Johanna Faye et Saïdo Lehlouh ont bien progressé (cf. notre Danse élargie entre Danse de surface et Danse du monde). J'ai découvert récemment les recherches de Ousmane Sy, Linda Hayford (avec comme danseur Bouside Aït-Atmane), lors de la deuxième édition de l'intéressant festival Désolé Maman, organisé par Garde Robe à Mains d'Œuvres à Saint-Ouen (93) pendant une semaine début mars. Présentées comme de simples « maquettes », les travaux ont manifesté une belle maturité. Ousmane Sy développe une écriture ferme et élégante. Rarement les danseuses ont été célébrées avec autant de classe et d'intelligence. Bouside Aït-Atmane est un très bon improvisateur (en l'espèce avec Blondy Mota-Kisoka). 

Par un heureux hasard, Saïdo Lehlouh et Ousmane Sy ont été sélectionnés pour la prochaine édition du Concours Danse élargie, initiative du Musée de la danse avec le Théâtre de la Ville (Paris), qui se déroulera à Paris les 16 et 17 juin prochains (Site et www.danse-elargie.com).

Une liste de 5 pré-sélectionnés avait été dévoilée fin février (cf. notre article). On avait remarqué qu'elle favorisait les associations de créateurs, ne comportant qu'une seule candidature unique. Selon le Ministère de la Culture et de la Communication, les Centres chorégraphiques nationaux connaissent une crise de gouvernance. Pour les collectivités locales, les équipes artistiques ne sont pas assez présentes sur le territoire. Le regroupement a dû convaincre qu'il n'est pas une usine à gaz, qu'il est viable organisationnellement (il a du répondre à la question de savoir comment seront prises les décisions), et que les egos qui le constituent seront suffisamment stables et équilibrés pour collaborer en bonne intelligence, et ne pas sombrer dans l'anarchie et/ou l'hystérie. On verra si le bon esprit hip-hop sera préservé dans la durée. Car un centre chorégraphique national (contemporain) dirigé par deux personnes connaît actuellement de fortes tensions à sa tête.  

Cette nomination est un double pari, qui rompt avec le cynisme et la médiocrité ambiante : sur la nouvelle génération de chorégraphes hip-hop que l'on peut qualifier de contemporains, et sur de plus âgés, à qui l'on doit donner enfin sa chance de gagner en visibilité et en reconnaissance élargie. Il faut espérer que dans cet ensemble tous les chorégraphes seront défendus avec la même énergie. C'est le 3° centre chorégraphique (sur 19) dédié au hip-hop, après Kader Attou (44 ans) depuis 2008 et Mourad Merzouki (44 ans) depuis 2009.

Le nouveau regroupement, futur collectif, devra mettre en place une organisation solide, qui permet de préserver les exigences artistiques (en terme de moyen financier et en temps de réflexion et de travail nécessaires) et humaines, et ne pas se retrouver submergé d'obligations d'animation, de gentils animateurs, certes respectables, mais qui peuvent vider un projet de son contenu.

Les uns et les autres pourront méditer longuement cette phrase magnifique adressée par le fondateur du contact-improvisation Steve Paxton à sa collègue et amie Yvonne Rainer, à l'ouverture d'une rencontre lors du Festival Montpellier Danse le siècle dernier : « Comment va ton ego ? » 
Fabien Rivière    

     CCN de Rennes - FINANCEMENTS PUBLICS - SUBVENTIONS 2013    
DRAC Bretagne : 
 505 877 €
Ville :
 488 540 € (incluant une subvention compensatoire au loyer des locaux)
Région : 
215 000 €
Département 
77 200 €

        COMMUNIQUÉ DE PRESSE        
Ministère de la Culture et de la Communication
 — Paris, le 3 mai 2018 à 12h

La Ministre de la Culture  
Nomination du Collectif FAIR[E] à la direction du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne

Françoise Nyssen, ministre de la Culture, en plein accord avec Nathalie Appéré, maire de Rennes, Loïg Chesnais-Girard, président du Conseil régional de Bretagne, Jean-Luc Chenut, président du Conseil départemental d'Ille-et-Vilaine et Josette Joubier, présidente du C.C.N.R.B, a donné son agrément à la nomination du collectif FAIR[E] composé de Bouside Aït-Atmane, Iffra Dia, Johanna Faye, Céline Gallet, Linda Hayford, Saïdo Lehlouh, Marion Poupinet et Ousmane Sy à la direction du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne à compter du 1er janvier 2019.

Issu du hip hop et de toutes ses influences, le collectif FAIR[E] est le reflet d'une nouvelle génération de chorégraphes, représentative de la France d'aujourd'hui, de toute sa richesse, bousculant les codes établis et génératrice de lien social.

Les six artistes, Bouside Aït-Atmane, Iffra Dia, Johanna Faye, Linda Hayford, Saïdo Lehlouh, et Ousmane Sy représentent le spectre de la création contemporaine et tout particulièrement ses formes urbaines, tout en impulsant une dynamique nécessaire à l'émergence des publics, pratiquants, créateurs et interprètes de demain. Se nourrissant des contrastes esthétiques et de leurs divergences, de la riche diversité de leurs profils, de leur curiosité et leur intérêt pour toutes les démarches artistiques, ils lient l'institution et l'underground, la recherche et le plaisir de danser.

Pour libérer les imaginaires, pour que la danse vive, s'apprécie et se transmette sous toutes ses formes, pour faire aujourd'hui et demain, le collectif intègre également deux professionnelles reconnues, Céline Gallet et Marion Poupinet, créatrices de la structure de production mutualisée, Garde-Robe.

FAIR[E] se distingue par une vision de gouvernance innovante, de nouveaux modes solidaires de production, de multiples actions en direction et avec les personnes, et particulièrement la jeunesse. Il propose par ailleurs des dispositifs d'insertion professionnelle engagés. FAIR[E] se fonde à la fois sur les principes de l'économie sociale et solidaire et les droits culturels. Pour l'ensemble de ces raisons, FAIR[E] répond pleinement aux orientations définies par les partenaires publics, qui ouvraient la possibilité d'expérimenter et d'innover dans la prise en compte du label Centre chorégraphique national.

Traversé pendant une décennie par le geste artistique impulsé par Boris Charmatz, le C.C.N.R.B sous le nom du Musée de la danse, tel un manifeste, a su offrir au secteur chorégraphique une utopie poétique et politique.

Le jury a salué la qualité de l'ensemble des dossiers et l'engagement des candidates et des candidats qui ont tous présenté des démarches artistiques singulières et un regard nouveau pour le C.C.N.R.B.

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