jeudi 19 octobre 2023

Le courage de Daniel Hellmann (« Dear Human Animals »)

Daniel Hellmann dans Dear Human Animals, Photo Fabien Rivière

Le performer, acteur et chanteur zurichois Daniel Hellmann a clos avec panache Tendres monstres - Festival de spectacles et de performances suisses, qui s'est déroulé sur quatre jours en septembre dernier sur le vaste site de la Cité internationale à Paris dans le Parc, le Théâtre de la Cité internationale et la Fondation Suisse - Pavillon Le Corbusier (avec aussi une exposition). 

Mais les monstres, pas "tendres", ne sont pas les artistes, mais bien, dans le solo de Daniel Hellmann, les humains, qui exercent des violences à l'encontre des animaux. Dear Human Animals, créé le 24 novembre 2020 à la Gessneralle Zürich, est né pendant sa résidence de six mois à San Francisco (Etats-Unis) en 2017, un an avant qu'il ne devienne vegan, lors de sa recherche pour la pièce Requiem for a piece of meat, en français Requiem pour un morceau de viande

Il explique : « Ce qui semblait innocent, comme un verre de lait ou un repas familial traditionnel, a soudain été exposé comme une pratique cruelle à laquelle je ne voulais plus participer. Les personnes que j’aimais (et que j’aime encore aujourd’hui) ne faisaient soudain plus partie de ma communauté de valeurs, à mes yeux, elles étaient devenues des personnes responsables de souffrances indicibles et inutiles, que ce soit par commodité ou par ignorance. Au début, j’ai ressenti une rupture brutale. Un cocktail d’émotions mêlant déception, colère, frustration, peur, tristesse et désespoir m’a accompagné pendant un certain temps. Les querelles autour des représentations de Requiem for a piece of meat, qui étaient annulés / censurées par le Theater Chur [ville à l'est de la Suisse], m’ont encouragé à me détacher intérieurement de la scène de la danse et du théâtre. Je ne voulais pas faire partie d’une communauté culturelle qui célèbre l’expression des corps, qui, sur le plan discursif et artistique fait campagne pour la diversité et les droits de tant de minorités ou de personnes opprimées, mais sert à manger des parties du corps démembrées d’autres individus. Je ne me sentais pas libre parce que je savais que personne ne voulait voir de l’art didactique ou moralisateur sur ces sujets, mais en même temps, la plupart des gens trouvent déjà la simple reproduction des faits moralisatrice. En fin de compte, nous savons tous que les industries animales sont l’un des plus grands crimes commis par l’espèce humaine. Au xxie siècle, il n’y a tout simplement plus d’excuses ni de justifications pour cela. » 

Il fallait donc inventer une forme nouvelle pour réussir à faire comprendre et accepter ses réflexions. Il crée le personnage de Soya the Cow, en français Soya la Vache. Daniel Hellmann : « J’ai choisi une vache parce que ces êtres forts et doux sont le symbole de la domination de l’homme sur les animaux. Ils ont été utilisés pour le labourage, la production de lait et de viande depuis des milliers d’années. »

Il élabore aussi une forme métissée, toujours ludique, entre militantisme drag qu'il découvre à San Francisco, conférence, one man show et récital musical (c'est un excellent chanteur à la voix puissante et chaude, s'accompagnant au piano). Conférence où l'on apprend par exemple qu'une vache ne produit pas spontanément du lait, mais qu'elle doit porter un veau, qu'on lui retire à la naissance, ce qui traumatise l'animal. 

La salle affichait complet. Elle était attentive, et l'accueil fut chaleureux 
   
On retrouvera Soya The Cow dans la prochaine création de Daniel Hellmann, Queer Animals, dévoilée en novembre 2024 au Sogar Theater de Zurich. 
Fabien Rivière
Tendres monstres est une collaboration entre le Théâtre de la Cité internationale, le Centre culturel Suisse (CCS) de Paris qui est actuellement en travaux, Pro Helvetia, et le festival Jerk Off.  En savoir +

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