samedi 20 janvier 2018

Où vont les « Protagonist » de Jefta van Dinther ? (Ballet Cullberg, TND Chaillot)

Protagonist, Photo Urban Jörén

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Il y a sans doute deux façons de rendre compte de Protagonist, la seconde création de Jefta van Dinther, né aux Pays-Bas et grandi en Suède, pour le Ballet Cullberg, compagnie basée en Suède et fondée il y a cinquante et un ans, en 1967, par la chorégraphe Birgit Cullberg. Soit l'on prend en compte les visages, traversés de rictus (dans un premier temps de diables ou diablotins, vers la fin d'australopithèques ou de singes). Mais grimacer n'est pas aussi facile qu'il peut paraître, et il me semble qu'ils ne sont pas ici très convaincants. Soit l'on préfère se concentrer comme je l'ai fait sur le reste du corps, buste, bras et jambes, et alors, en effet, on peut suivre avec un grand intérêt les évolutions de la pièce.

Mais de quoi s'agit-il ? À vrai dire, là aussi, soit on n'a rien lu avant comme c'est mon cas, soit l'on discute le programme de salle. 

La musique de David Kiers est puissante, tout de pulsations et d'émotions. Elle tient l'heure, quand le plus souvent les propositions sonores s'essoufflent assez vite. Au sol une moquette d'un rouge vif, et en fond de scène, un échafaudage propre qui n'a pas dépassé le rez-de-chaussée, métaphore pour signifier que ces êtres vont esquisser une construction sans aller finalement très loin ? On suit les assemblages et les éloignements des corps, des uns aux autres. C'est déjà pas mal. C'est ambitieux (quand beaucoup de propositions chorégraphiques sont narcissiques ou inconséquentes). Le groupe est composé de quatorze jeunes gens. C'est frais. 

À trois reprises, en voix off, un homme nous parle. Ce qu'il dit demeure mystérieux. On se demande si il ne parle pas de l'hôpital où il est hospitalisé, entre délire et lucidité augmentée. À un moment, le mot revolution (en anglais, donc) retentit. Le groupe est face à nous. On se dit que l'on est plus dans une église que dans un meeting ou dans la rue. Et que ces jeunes gens sont bien trop propres pour pouvoir incarner la révolution. Quelle est la capacité du chorégraphe à les amener à certains états de corps ? Ou sont-ils désespérants ? Que leur a transmis la génération précédente ? On songe alors aux propos de Jérôme Bel, pour qui les écoles de danse castrent les êtres et les corps. On objectera peut-être qu'il s'agit d'une métaphore d'une génération. Ils vont se dénuder, puis suggérer un retour (un effondrement ?) vers l'origine de l'humanité. La scène finale est, étrangement, une sorte d'épiphanie, triste à vrai dire, mais bouleversante, sans que l'on sache pourquoi. 
Fabien Rivière
 Jefta van Dinther, Protagonist, TND Chaillot, du mercredi 17 au dimanche 21 janvier 2018Site 

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