samedi 12 décembre 2015

Mathilde Monnier, les réfugiés et la censure de la presse


Une lettre de Mathilde Monnier, au maire du Xe arrt [Paris] :
Monsieur le Maire,
J’habite le 10e arrondissement, avenue de Verdun, près de la gare de l’Est.
Il y a quelques mois, le 24 août 2015, j’ai relevé dans ma boîte aux lettres un courrier revêtu de votre signature. Je suppose que tous les habitants de l’immeuble et sans doute des immeubles voisins ont reçu le même. Je vous en rappelle la teneur :

« Madame, Monsieur,
Depuis plusieurs semaines de nombreux migrants pour la plupart originaires d’Afghanistan s’abritent chaque soir sous les arcades de la place Raoul Follereau pour y passer la nuit.
Nous connaissons les parcours très difficiles qui ont conduits ces personnes jusqu’à Paris où elles sont souvent en transit vers d’autres pays européens. Je sais aussi les problèmes que cette situation engendre pour les riverains qui voient leur cadre de vie se dégrader.

Comme vous le savez, les services de police passent tous les matins pour que les lieux soient libérés et que les agents de propreté de la Ville puissent procéder à leur nettoyage. Nous sommes d’ailleurs vigilants pour que ces installations restent limitées à la nuit et qu’aucun campement permanent ne se mette en place.
Cette situation est causée par le manque d’hébergement disponibles mais également par le refus de certains d’accepter les hébergements proposés. Plus globalement, elle renvoie à un contexte géopolitique et à des phénomènes migratoires qui dépassent largement Paris mais auxquels les Parisiens sont confrontés depuis plusieurs mois dans nos quartiers. 

Je veux vous assurer de ma détermination et de celle de la maire de Paris Anne Hidalgo à trouver des solutions humaines et dignes à cette situation qui ne peux pas perdurer. Je ne manquerai pas de vous tenir informés très prochainement des initiatives qui seront prises par la municipalité en ce sens et espère que nous parviendrons à apporter des solutions rapides et efficaces.
Je vous prie de recevoir mes salutations distinguées.
Rémi Féraud. »

Monsieur le Maire, plus de 3 mois se sont écoulés depuis votre lettre. Quotidiennement informé de la situation comme vous l’êtes, vous devez savoir que les personnes qui dorment actuellement dehors sous les arcades de la place Raoul Follereau ne sont plus une petite vingtaine mais que leur nombre à triplé. Les lits de fortune (petites couvertures, matelas de carton) s’entassent les uns à côté des autres dans le froid. Un unique WC public est accessible pour tout ce monde, et un seul point où le réseau internet semble passer. Comme vous l’aviez signalé, la police passe chaque matin entre 6 et 7 h, et fait le ménage en vidant les lieux.
Mais suffit-il chaque jour d’effacer par un coup de jet d’eau la trace de ces occupants nocturnes pour qu’un quartier entier se sente serein ? Pensez vous que ses habitants ferment les yeux au petit matin pour faire semblant de n’avoir rien vu ? À quel degré estimez-vous notre incapacité de réagir ? Pensez vous que nous sommes aveugles, sourds et muets, que nous n’avons ni cœur ni conscience ?
Ces « migrants » sont en majorité des réfugiés : des gens qui ont fui leur pays parce qu’ils y étaient en danger. Sur le fond ils nous ressemblent, à vous, à moi, de par leur éducation, leur niveau d’études, leur mode de vie, leur aspiration à vivre en paix, mais ici ils sont chaque jour un peu plus atteints dans leur dignité. En ne les accueillant pas, en ne les aidant même pas à trouver un abri sûr et sain, fût-il provisoire, nous contribuons à les assimiler à des clochards, des exclus, et nous alimentons leur stigmatisation par des démagogues xénophobes.
Je m’interroge sur les « solutions rapides et efficaces » qui devaient intervenir depuis l’été. Serait-il devenu urgent d’attendre les grands froids, la neige et le gel avant d’agir ? Est-il si difficile de trouver un immeuble inoccupé ou un gymnase dans chaque arrondissement afin d’offrir un toit, le chauffage et l’eau courante à des personnes que vous jugez en transit ?
Ces êtres humains qui sont devenus nos voisins par la force des choses n’ont pas le droit à la parole, ni au minimum d’hospitalité que dans leur pays on offre à l’étranger en détresse. Ils ont juste le droit de dormir dans la rue avant en d’être chassés, dans une ville où même les chiens dorment au chaud.
Monsieur le Maire, je sais que les compétences d’un arrondissement sont limitées et que la Ville de Paris doit agir de concert avec l’État. Des solutions locales peuvent cependant être trouvées dès lors qu’on s’y attelle avec détermination. Ayez le courage de prendre les décisions qui s’imposent pour nous libérer de la honte, relevez le défi de la dignité dans les réponses que vous apporterez à ces « migrants » auxquels il suffit de parler pour mesurer l’étendue de leur désarroi.
Mathilde Monnier

REMARQUE Mathilde Monnier est  la nouvelle directrice du Centre national de la danse (CND) à Pantin (93) où se pratique la censure de la presse sans trop de scrupules. Au Centre national de la danse le journaliste indépendant n'a « pas le droit à la parole, ni au minimum d'hospitalité », pour reprendre les termes qu'elle utilise dans son courrier au maire du 10° arrondissement de Paris. Le CND préfère le publi-reportage, comme récemment dans un supplément de Libération. À la place qui est la sienne, on aimerait que le CND relève « le défi de la dignité. » C'est bien le problème des milieux culturels « de gauche » qui veulent faire la leçon aux politiques, mais qui ne sont même pas capables d'appliquer leurs principes moraux dans leurs propres milieux professionnels. Avec de l'argent public. L'argent de tous les citoyens français. 
Fabien Rivière

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