mardi 28 juin 2016

Avec "Le syndrome Ian", Christian Rizzo se révèle alchimiste

Christian Rizzo, Photo Mario Sinistaj

Christian Rizzo a présenté les 24 et 25 juin dans le cadre du Festival Montpellier Danse sa nouvelle création pour dix interprètes, Le syndrome Ian. Le lieu, l'Opéra Comédie, un théâtre à l'italienne, ne se prête guère à la pièce puisque le public situé à l'orchestre n'a pas vu que le sol était de couleur or. Le second jour, on a donc rapatrié en urgence les professionnels importants au balcon. Mais le balcon n'est pas extensible. 

Visuel du Centre chorégraphique national de Montpellier dirigé par Christian Rizzo

J'ai préféré assister à la seconde représentation afin de laisser à la compagnie un peu de temps de maturation. J'étais situé à l'orchestre. 

Christian Rizzo présente le projet dans la feuille de salle : « Troisième volet consacré à l’exploration des pratiques de danses anonymes confrontées à la notion d’auteur, le syndrome ian accueille des souvenirs de clubbing et de la nuit. Ni hommage, ni reconstitution. 1979, première sortie en discothèque. » Né en 1965 à Cannes, le chorégraphe a alors 14 ou 15 ans.  

Le syndrome Ian, de Christian Rizzo, Photo Fabien Rivière 

La proposition est construite comme une longue variation de 55 minutes. L'espace est celui d'une boite de nuit. La musique électro est l'élément dominant : une puissante pulsation à laquelle sont adjointes des fluctuations mélodiques (très bonne musique de Pénélope Michel et  Nicolas Devos - Cercueil / Puce Moment). Dans la scène d'ouverture, qui va durer dix minutes, les danseurs sont regroupés, debout, enlacés. Puis ils vont lentement se séparer pour former pour l'essentiel des duos où ils se prennent dans les bras. Il est possible de penser à des slows.     

Peut-on parler de chaleur humaine et de tendresse ? Il est plutôt question d'une agrégation de molécules qui va se scinder. C'est de la physique, plutôt que de la psychologie. Les relations des uns aux autres ne cessent de se reconfigurer, mais rien de durable n'advient. Il y a bien quelques tentatives de construction, mais elles tournent court. Il s'agit d'un magma.



La danse a d'ailleurs une place spécifique. Christian Rizzo : « Alors que la planète vibre sous le son du disco et de ses adeptes d'une danse ondulatoire et lancinante, l'Angleterre voit naître une musique sombre et poétique rythmée par des corps électriques, angulaires, saccadés [le punk rock] » Ian, c'est Ian Curtis, chanteur de Joy Division, atteint de crises d'épilepsies, qui se suicide à l'âge de 23 ans en 1980. Pendant les concerts du groupe, la gestuelle de Curtis était hallucinante de beauté. Cependant, les corps chez Rizzo ne sont ni disco ni punk. Ceux qui attendent une "belle" danse ou une belle écriture en seront pour leurs frais. Certains parlent de pauvreté des mouvements, à notre avis à tort. Le piège consistant à esthétiser la situation a été justement évitée. Cela dit, cela donne une danse un peu down, ou "chewing-gum". On perçoit que la marge de progression demeure importante.   

Les costumes sont étonnants : baskets blanches, jogging noir, chemises blanches à manches courtes. Propres et banals à la fois.

Le chorégraphe est autant ethnologue que magicien. Le réel et l'imaginaire. Une première séquence et une deuxième. Mais c'est surtout un alchimiste : « L'un des objectifs de l'alchimie est le grand œuvre, c'est-à-dire la réalisation de la pierre philosophale permettant la transmutation des métaux, principalement des métaux « vils », comme le plomb, en métaux nobles comme l'argent ou l'or. Un autre objectif classique de l'alchimie est la recherche de la panacée (médecine universelle) et la prolongation de la vie via un élixir de longue vie. La pratique de l'alchimie et les théories de la matière sur lesquelles elle se fonde, sont parfois accompagnées, notamment à partir de la Renaissance, de spéculations philosophiques, mystiques ou spirituelles. » (1) La troisième et dernière partie est brève, où une jeune femme danse de façon très narcissique devant un totem. 

On peut rapprocher Le syndrome Ian d'une autre trilogie, présentée au Festival d'Avignon par Romeo Castellucci en 2008 avec Inferno, Purgatorio et Paradiso. La présence de la mort est aussi massive, sans être morbide. D'où la question : sommes-nous au paradis, en enfer ou au purgatoire ? Paradis ? Non. Enfer ? Peut-être. Purgatoire ? Sans doute.

Comme avec Levée des conflits de Boris Charmatz (qui pensait faire exactement le contraire), la pièce montre des humains incapables de relations véritablement humaines les uns avec les autres. Edgar Morin n'en appelle-t-il pas à « une nouvelle « politique de civilisation », pour sortir de cet « âge de fer planétaire... préhistoire de l'esprit humain »».
Fabien Rivière
(1) Source : wikipedia

Christian Rizzo dirige depuis 2015 le Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon devenu Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées depuis quelques mois, regroupement de régions oblige, — mais à vrai dire, depuis un vote du Conseil régional ce 24 juin (1), on doit écrire désormais «Occitanie» avec comme sous-titre «Pyrénées-Méditerranée» — structure qu'il a rebaptisé ICI, pour Institut Chorégraphique International. 
(1) Sud Ouest

Nous avons aussi publié :  

TOURNÉE de Le syndrome Ian :
30 juin et 1er juillet 2016. Stadsschouwburg Amsterdam / Grote Zaal, Amsterdam (Pays-Bas) dans le cadre de Julidans Festival
6 septembre. Château Rouge - Centre culturel, Annemasse, dans le cadre de la Bâtie, Festival de Genève (Suisse)
21, 22 septembre. Opéra de Lyon, dans le cadre du focus de la Biennale de la danse de Lyon
26, 27 septembre. La Comédie de Clermont-Ferrand - Scène nationale
30 septembre 2016. Le Parvis, Tarbes, en collaboration avec le Centre de Développement Chorégraphique (CDC) Toulouse / Midi-Pyrénées
27, 28 janvier 2017. Opéra de Lille
3 février 2017. Le bateau feu, Dunkerque
18 février. L'Autre Scène, Vedène, dans le cadre du Festival Les Hivernales OPTION 
23, 24, 25 février 2017. Kampnagel, Hamburg (Allemagne) OPTION
20 et 21 mars 2017. Comédie de Valence. 
26, 27, 28 avril 2017. Théâtre de Chaillot, Paris, dans le cadre de "Hors les murs" 
                                        du Théâtre de la Ville
15 septembre 2017. Teatro Municipal do Porto (Portugal) 
— Entre le 9 et le 15 octobre 2017. 2 représentations, National Theater Taichung (Taiwan)
— Entre le 8 et le 17 décembre 2017. 1 représentation, Concertgebouw Brugge, Bruges (Belgique). 
À préciser en 2017. lieu unique - Scène nationale de Nantes / TU - Nantes

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