dimanche 18 octobre 2015

La Corée du Sud vue par Eun-Me Ahn. Énorme !

Que savent les Français de la Corée du Sud et de ses habitants ? Pas grand-chose, sinon rien. L’année France-Corée [du Sud] 2015-2016 va essayer, du 18 septembre 2015 à août 2016, en presque un an, de remédier à certaines de nos lacunes. Le programme est ambitieux, qui aborde les domaines suivants : théâtre, danse, cirque, arts de la rue, musiques, arts visuels, cinéma, pluridisciplinaire, littérature, éducation, sciences, recherche, gastronomie, sports et économie. SITE

Nous avons eu de la chance. La rencontre a débuté par de la danse avec une trilogie de Eun-Me Ahn déclinée ainsi : Dancing Teen Teen (2012), Dancing Grandmothers (2011) et Dancing Middle-Aged Men (2013). Les deux premières pièces présentées au Théâtre de la Ville de Paris et la dernière à la Maison des Arts de Créteil. 

      Dancing Teen Teen        2012
Dancing Teen Teen (2012) d'Eun-Me Ahn, Photos Fabien Rivière ©

Au commencement de Dancing Teen Teen il y a 79 étudiants qui s’inscrivent pour découvrir le travail de Eun-Me Ahn. Beaucoup renoncent pour cause d’« emplois du temps extrêmement chargés », nous explique le programme de salle. Demeure une vingtaine de jeunes de 16 à 20 ans. Dans une société qui soumet l’école à la compétition capitaliste, la chorégraphe préfère « ne rien demander, rien d’autre que de simples mouvements de base (…) Faites ce que vous voulez ! ». On se dit qu’il y a du Jérôme Bel dans cette quinquagénaire à la tonsure sombre et aux costumes colorés. Ou l’inverse : du Eun-Me Ahn chez Jérôme Bel. Il ne faut donc pas s’attendre à du dressage redoutable façon Cirque de Pékin ou alors à un gentil spectacle folklorique pour touristes occidentaux. 

À partir d’improvisations, la chorégraphe construit rigoureusement. Elle sait s’entourer : côté musique de l’électro qui pulse binairement et sensuellement produite par Younggyu, et des lumières immaculées de blanc ou sculptées dans la pénombre, signées Jang Jinyoung. 

Les corps des interprètes sont en général assez fins et de petites tailles. Dans un premier temps, les costumes sont proches de ceux de l’école, avec le nom de l'élève au niveau du cœur. Dans un second, ils sont proches de la vie quotidienne. Mais très colorés. « Flambloyants ! » s'exclamera un jeune spectateur coréen, rappelant que la discrétion est au contraire de rigueur. Dans les deux cas la chorégraphe part du réel pour le déplacer. 

      Dancing Grandmothers        2011
Dancing Grandmothers (2011) d'Eun-Me Ahn, Photos Fabien Rivière ©

Contrairement à ce que peut laisser penser le titre, Dancing Grandmothers ne montre pas que des personnes âgées. La première partie déploie des jeunes d'une vingtaine d'années dans des trajectoires véloces contrebalancées par un haut du corps comme en suspension, sur une bande son qui oscille entre musique industrielle et électro. La deuxième partie laisse la place à l'image sur l'écran géant du fond de scène où des campagnardes d'un âge certain s'amusent dans des danses simples et joyeuses. Dans la troisième et dernière partie retour au plateau qui voit la réunion de toutes et tous, dans un travail plastique aux couleurs hallucinées. Que nous arrive-t-il ? Ce que l'on voit existe-t-il vraiment ? On peut avoir le sentiment d'avoir consommé une quantité d'acides qui pourrait tuer un éléphant. Cette façon d'envisager les relations entre les générations baignant dans l'Amour universel de l'échange et non dans le repli mortifère est explosif (que l'on songe, a contrario, à la réalité des maisons de retraite). 

On peut faire une proposition spectaculaire sans pour autant céder sur l'exigence artistique.
Fabien Rivière 

PS. On retrouvera Eun-Me Ahn pendant le Festival Paris Quartier été 2016 (juillet-août). 

      Dancing Middle-Aged Men       2013
Dancing Middle-Aged Men (2013) d'Eun-Me Ahn, au premier plan Eun-Me Ahn
Photos Fabien Rivière ©

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