lundi 21 mars 2022

Alexandre Roccoli envoûte (« Long Play (LP) »)

Vue de la scène (au fond) et du public assis au sol sur des coussins
avant la représentation de Long Play (LP) - depuis le gradin, Photo Fabien Rivière 

Avec Long Play (LP), performée avec talent et conviction par les seize interprètes du Ballet national de Marseille au CentQuatre - Paris lors du festival Séquence Danse Paris, le français Alexande Roccoli a proposé une œuvre puissante et stupéfiante. 

Les états de corps sont doux, à rebours des fréquentes propositions de corps perturbés traversés de tensions et de soubresauts nerveux que l'on voit ailleurs. Mais dans un environnement sonore où la musique électronique industrielle pensée par le talentueux Adam Shaalan, se déchaîne. Il est possible de se demander si le chorégraphe ne se pose pas une question simple : comment  préserver son équilibre corporel et psychique dans un monde violent ?  

L'organisation des corps dans l'espace est simple, qui, dans un temps étiré, s'agrègent doucement, puis se défont, forment une ligne droite puis un cercle. Les têtes basculent tranquillement de droite à gauche et inversement, accompagnées des épaules, pour presque embrasser son voisin ou sa voisine (dans un geste de réconciliation humaine ?). Les êtres s'allongent les uns sur les autres sur le dos en une ligne. 

On peut, un temps, imaginer un lieu de culte spatio-temporel, et la possibilité d'une expérience de rencontre avec une intelligence extra-terrestre, et plus tard percevoir une danse tribale de libération. Ou simplement le plus souvent se laisser porter par la proposition. 

Les saluts à l'issue de Long Play (LP), Photo Fabien Rivière

La structure de la pièce est originale, qui voit la "même" séquence de 45 minutes jouée trois fois de suite. 

Or, deux faits vont perturber la réception et la bonne compréhension de la création. D'une part, sur le site du CentQuatre-Paris, et dans le programme distribué comme dans les propos des ouvreuses et ouvreurs, on découvre la précision suivante : « Infos pratiques / durée : 3h avec 3 séquences de 1h, entrée possible à 21h, 22h ou 23h, sortie possible à tout moment ». Sans doute s'agit-il de rassurer le spectateur quant à la durée pour un artiste moins connu que Bob Wilson ou Pina Bausch. Mais en réalité l'œuvre forme un tout avec sa cohérence du début à la fin, et penser rentrer tardivement et sortir librement est erroné (même si évidemment tout spectateur, depuis toujours, peut sortir quand il veut, sans qu'on ait besoin de lui dire quoi que ce soit). 

D'une part, les états de corps de la première séquence sont désincarnés et peuvent refroidir. Il faut attendre la 2° et 3° pour découvrir des corps "chargés" et touchants. Or, à la fin de la première séquence pas mal de gens sortent, puisqu'on leur a dit que c'est possible. Dommage. 

Mais pour revenir au matériau chorégraphique, on citera cet interprète de l'œuvre qui nous confiera qu'au fur et à mesure de l'avancée de celle-ci, il avait le sentiment d'effectuer une brasse coulée de plus en plus profonde, accompagnant les gestes à la parole
Fabien Rivière
 
Quelques chiffres : le spectacle est prévu à 21h, le public commence à entrer dans la salle à 21h04, les basses puissantes de la musique électronique d'Adam Shaalan vrombissent à 21h16, et les interprètes discrètement mélangés au public se lèvent avec comme direction la  scène à 21h19. La fin tombe à 23h30 (la durée de la pièce est donc plutôt de 2h15). Première sortie importante de gens à 22h04, puis 22h47.

Long Play (LP), d'Alexandre Roccoli avec Adam Shaalan et le Ballet national de Marseille, vendredi 18 et samedi 19 mars 2022. En savoir +   

Le sol devant la scène à l'issue de la représentation, Photo Fabien Rivière
L'affiche du spectacle, au CentQuatre - Paris, Photo Fabien Rivière
Les enceintes en fond de scène, et au dessus une partie de la verrière
qui donne sur la cour intérieure, Photo Fabien Rivière

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