vendredi 28 décembre 2018

Arte célèbre la danse en cette fin d'année

Arte célèbre la danse en cette fin d'année au travers de cinq programmes : 
Graines d'Étoiles... 5 ans après — documentaire  (Notre article)  
Quatre chorégraphes d'aujourd'hui à l'Opéra de Paris : Thierrée / Shechter / Pérez / Pite  spectacle (Notre article)
Marius Petipa, le maître du ballet russe — documentaire (Notre article) 
Raymonda  spectacle [Théâtre Mariinsky, Saint-Pétersbourg (Russie), chorégraphe : Marius Petipa (1898), version revisitée par Konstantin Sergeyev (1948), extraits chorégraphiques Fyodor Lopukhov (1886 - 1973]  — (à voir ICI)
Gala inaugural des 350 ans de l'Opéra national de Paris — spectacle — Lundi 31 décembre 22h25
C'est cohérent. Mais il s'agit en grande partie de l'Opéra de Paris et de danse classique. Faisons un voeu : et si, renouvelant le geste dans un an, Arte s'intéressait à un autre lieu emblématique de la capitale, un autre lieu historique, le Théâtre de la Ville qui fête cette saison ses 50 ans, entre histoire exceptionnelle, — la liste des chorégraphes importants qu'il a soutenu est longue — et présent qui vaut encore le détour avec des chorégraphes qui défendent la danse contemporaine comme Maguy Marin, Israel Galván (notre article), Takao Kawaguchi (notre article), Jan Martens et Christos Papadopoulos. Le Festival d'Automne à Paris, qui partage le même directeur, va célébrer fin 2019 le génie New Yorkais Merce Cunningham mort en 2009, fêtant le centenaire de sa naissance à travers ce qu'il nomme « un temps fort » (ICI). À cette occasion on pourrait notamment présenter de nouveau le film magnifique de Tacida Dean daté de 2009 filmant la compagnie de Cunningham performant dans un magnifique hangar portuaire dans la baie de San Francisco, Craneway Event. Chiche ?

——— Nous écrivions en 2010 au sujet de Craneway Event (Film 16mm anamorphique couleur - son optique, 1h48) : 

  NOTRE AVIS            ➜    Un Cunningham portuaire et maritime
L'artiste britannique Tacita Dean, née en 1965, utilise aussi bien la photographie, l'installation, le dessin et le cinéma 16 mm. Dans ce dernier domaine on lui doit un film absolument passionnant consacré à Merce Cunningham, Craneway Event. Fidèle à sa volonté de sortir la danse des théâtres, le chorégraphe et sa compagnie investissent début novembre 2008 une ancienne usine Ford construite dans les années 30, située dans le port de Richmond, en Californie, et maintenant nommée Craneway Pavilion. Réhabilitée, elle est devenue un immense loft d'environ 120 mètres de long sur 20 de large, absolument vide — si ce n'est un plancher de danse noir amovible installé pour l'occasion — riche, des trois côtés du bâtiment, d'une immense verrière traversée d'une lumière magnifiqueUn bateau est amarré à quelques mètres à peine. C'est la baie de San Francisco, qui se déverse dans le Pacifique. Au loin, on aperçoit les ponts suspendus qui donnent sur cette ville. La région comprend plusieurs parcs naturels. 

Dans ce cadre exceptionnel, la cinéaste suit trois jours de répétitions de la compagnie, composée de 14 danseurs. Merce Cunningham a 89 ans. Il se déplace en fauteuil roulant. Son esprit est toujours vif, son visage mobile et ses yeux attentifs à tout. À l'époque, personne ne sait qu'il mourra presque neuf mois plus tard, le 26 juillet 2009, à 90 ans. 


On peut parler de "cinéma vérité" dans la mesure où il n'y a aucun commentaire ni aucun effet. La compagnie répète même dans ce que l'on nomme "le silence". On sait, depuis John Cage, compagnon de Cunningham fort  longtemps, que ce mot a un tout autre sens que seulement "absence de musique". Il signifie intensité de la présence (humaine, animale, végétale, et des éléments naturels), ici et maintenant. 

Craneway Event est un document(aire) exceptionnel sur la quotidienneté de la compagnie. Le film avance tranquillement, pas à pas, au rythme de la vie. 


Fabien Rivière

jeudi 27 décembre 2018

Arte diffuse une soirée Thierrée / Shechter / Pérez / Pite à l'Opéra de Paris


Le prix des places pour un spectacle de danse à l'Opéra de Paris étant de plus en plus élevé malgré certains efforts, et en absence de tarifs sociaux contrairement au Théâtre national de la danse de Chaillot, il revient à Arte la lourde responsabilité de tenter de démocratiser cet art ; et incidemment de participer à la constitution d'une mémoire d'une discipline qui se veut éphémère

On peut ainsi profiter en cette fin d'année du programme de qualité donné sur le plateau de l'Opéra Garnier en mai et juin dernier : Quatre chorégraphes d'aujourd'hui à l'Opéra de Paris : Thierrée / Shechter / Pérez / Pite.

Le Suisse James Thierrée, 43 ans, est metteur en scène et acteur. Avec Frôlons, une création pour l'Opéra, il investit les espaces publics, proposant des créatures animales (par exemple une salamandre et un tamanoir) ou inventées et quelques personnages, qui errent plutôt tranquillement. Les interprètes portent de somptueux costumes d'or, de ténèbres et d'algues. La proposition, plus atmosphérique que chorégraphique, rejoint finalement la salle. Le tout est filmé à fleur de peau.  

The Art of Not Looking Back, de l'Israélien installé à Londres Hofesh Shechter, 43 ans, a été créé pour sa compagnie en 2009 (il a alors 34 ans), mais semble très récent. Sur le plateau neuf jeunes femmes incarnent les relations tendues du chorégraphe avec sa mère, mêlant sensations crues et très grande élégance gestuelle et formelle. Il est dommage que la voix off, dans cette  œuvre forte, ne soit pas traduite de l'anglais en français. 

C'est une création que propose l'Espagnol vivant aux Pays-Bas Iván Pérez, 35 ans. Dix hommes sur le plateau pour The Male Dancer. Sans doute le chorégraphe ne donne pas le sentiment d'avoir lu les auteurs qui traitent de la question du genre. Il propose cependant un moment de douceur elle aussi plus atmosphérique que chorégraphique. Un nouveau Mort à Venise, si l'on veut  Les interprètes sont des gravures de mode, les costumes sont très beaux. C'est peut-être un peu trop beau, — on aimerait qu'on nous propose d'autres figures d'hommes que des mannequins, — mais le chorégraphe s'en sort plutôt bien. Mais si il revient, il devra creuser plus profondément.  
   
Enfin, la Canadienne Crystal Pite, 48 ans, présente de nouveau son "succès" créé ici-même il y a deux ans, The Season's Canon, pour 54 interprètes. Tout le monde est en pantalon militaire vert bouteille, et torse nu, les femmes portant un très discret justaucorps couleur chair qui masque en partie la poitrine. Elles sont virilisées. Le plus souvent c'est une masse inquiétante qui se déploie, qui s'étire de différentes façons. Est-ce à dire qu'est célébré une certaine idée régressive de l'armée, où l'individu ne peut que se dissoudre dans le groupe et se soumettre ? Dans les quelques duos, c'est l'homme qui porte la femme.
Fabien Rivière
— Diffusé sur Arte le Mardi 1er janvier 2019 à 23h35.  www.arte.tv/fr/ 

lundi 24 décembre 2018

Arte : « Marius Petipa, le maître français du ballet russe »

Documentaire complet disponible jusqu'au samedi 29 Décembre 2018

NOTRE AVIS Documentaire passionnant de Denis Sneguirev, daté de 2017, consacré au chorégraphe Marius Petipa (1818, Marseille - 1910, Hourzouf — 92 ans) qui fit l'essentiel de sa carrière en Russie. Une surprise de taille nous est réservée vers la fin par un autre chorégraphe, Alexei Ratmansky.  
Fabien Rivière

Livre - Anne Teresa De Keersmaeker 2007 - 2017

Couverture du livre 

L'ouvrage de grand format et à la couverture cartonnée Anne Teresa De Keersmaker / Rosas 2007 - 2017 suit les créations récentes de la chorégraphe belge installée à Bruxelles (Belgique), à la tête de sa compagnie, Rosas. Comme il s'agit principalement d'un livre de photos, celles de Anne Van Aerschot et Herman Sorgeloos, il aurait été préférable d'indiquer leurs noms sur la couverture. Anne Van Aerschot travaille à Rosas. L'intitulé de son poste est : « coordination artistique et planning ». 

Il s'agit de suivre dix ans de travail d'une des chorégraphes les plus intéressantes de son époque. Dans un ordre chronologique des œuvres créées (en gras, celles qui nous semblent les plus importantes) : Keeping Still - Part 1 (2007), Zeitung (2008), The Song (2009), 3Abschied (2010) [avec Anne Teresa De Keersmaker, Jérôme Bel et un groupe de musiciens], En attendant (2010) [première au Festival d'Avignon au Cloître des Célestins, lumière du jour, se clôt avec la nuit qui tombe], Cesena (2011) [première au Festival d'Avignon, Cour d'honneur du Palais des Papes, à la levée du jour], Partita 2 (2013) [duo entre Boris Charmatz et Anne Teresa De Keersmaker, vu au Festival d'Avignon dans la Cour d'honneur du Palais des Papes], Vortex Temporum (2013), Golden Hours (As you like it) (2015) [musique Brian Eno], Work/Travail/Arbeid (2015) [dansé dans un musée, au WIELS à Bruxelles et au Centre Pompidou à Paris, par exemple], Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke (2015) [notre article], Cosi fan tutte (2017) [opéra créé à l'Opéra Garnier à Paris, notre article], et Mitten Wir im Leben sind/bach6cellosuiten (2017) [présenté à Paris dans la grande salle de la Philharmonie].

On peut dire que les photographes ont fait un bon travail. Du  côté de l'écrit, le résultat est mitigé, qui débute par un texte de cinq pages de Gilles Amalvi (sous la forme d'une lettre adressée à la chorégraphe), et un autre de dix pages de Floor Keersmaekers, qui, à Rosas, a la charge de la « dramaturgie générale et [du] traitement des archives ». Le premier ne nous apprend pas grand chose, sinon que les périodes artistiques de la chorégraphe sont marquées « par un certain usage de ton propre corps ». Soit. Mais encore ? Il poursuit :  « (...) et comme démonstration plus générale des différents régimes du chorégraphique » [Soit. Mais  encore ?];  « (...) le glissement d'une période à une autre, cela se joue au niveau de ton corps, en tant que nœud (...)  [Soit. Mais  encore ?] ». Le texte de Floor Keersmaeker est d'une autre tenue, plus factuel et plus riche : « Dressant en 2017 un bilan de la décennie écoulée, De Keersmaeker a distingué les cinq points d'ancrage majeurs qui ont constitué la trame de son travail et orienté son désir : une approche de la chorégraphie comme « espace-temps » ; le rapport aux danseurs ; l'observation de la nature ; la pensée orientale des énergies et, enfin, l'art de la calligraphie »

À 50 € la publication de 240 pages, il aurait fallu pourquoi pas proposer pour chaque pièce une interview non complaisante de la créatrice évoquant les enjeux de son travail. À minima, et si Gilles Amalvi avait réalisé un entretien de la chorégraphe ? Le livre n'en demeure pas moins une réussite plastique. 
Fabien Rivière

Anne Teresa De Keersmaker / Rosas 2007 - 2017, éditions Actes Sud (France) et Fonds Mercator (Bruxelles, Belgique), septembre 2018 (parution), 240 pages, 50 €. En savoir +