Static Shot, de Maud Le Pladec, Photo Laurent Philippe |
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La Villette à Paris a débuté le 24 avril, jusqu'au 19 juillet, un cycle de trois mois de programmation de neuf compagnies de danse de stature internationale, et un battle de krump (liste ci-dessous). L'ouverture avec l'Opera Ballet Vlaanderen, basé à Gand et Anvers (Belgique), a été phénoménale (notre article « Puissance » de l’Opera Ballet Vlaanderen ).
Voici donc le deuxième programme, avec le CCN - Ballet de Lorraine, pour Centre chorégraphique national, et ses deux propositions. D'abord, les vingt-cinq minutes de Static Shot, en français Tir statique, de Maud Le Pladec, créée en 2020 pour cette compagnie. La chorégraphe, 49 ans, est l'ancienne directrice du Centre chorégraphique national d'Orléans (2017 - 2024) et dirige le CCN - Ballet de Lorraine depuis janvier dernier.
Ce projet se place dans le prolongement de la collaboration de la chorégraphe au film Notre dame, une comédie franco-belge réalisée par Valérie Donzelli et sortie en 2019, et plus largement son intérêt pour l'histoire du cinéma. Les scènes coupées au montage du film ont inspiré le matériel chorégraphique, associées à la constitution d'une « banque de données filmographiques, où se croisent des scènes tirées de blockbusters, de films d'auteurs, de comédies musicales ou de clips vus sur Instagram. »
Le plateau est vide, juste éclairé comme les stades de foot la nuit, par une rangée d'une dizaine de puissants projecteurs au fond du plateau en hauteur, face au public. Les 23 interprètes habillés superbement, comme des mannequins qui défilent, par Christelle Kocher, entrent en deux files indiennes, accompagnés par la fort tonique musique électronique du britannique Pete Harden et de la française Chloé Thévenin. Les déplacements se font en groupe, dans des gestes plus ou moins synchrones, à quelques exceptions, dans un vaste flux de mouvements inspirés. Façon de marquer, plus ou moins consciemment, l'emprise du collectif sur l'individu, même si le collectif est "fun" ?
Le chorégraphe portugais Marco da Silva Ferreira clôt la soirée avec a Folia, d'une durée de trente-cinq minutes. Il est volontiers présenté comme « chorégraphe autodidacte, ancien nageur d'élite », « nouvelle coqueluche des scènes européennes ». Le programme explique quant à lui « qu'il s’inspir[e] de la folia, danse folklorique d’origine rurale, qui offrait aux bergers du XVIe siècle une échappatoire aux conventions sociales. » Pour « une mise en miroir de la fête traditionnelle portugaise et des danses de notre époque. »
À vrai dire, les chorégraphes portugais ont le vent en poupe actuellement. Ainsi de Marlene Monteiro Freitas qui est « Artiste complice » de la prochaine édition du Festival d'Avignon (ICI), où elle peut aussi inviter d'autres artistes. Elle y occupera rien moins que la Cour d'honneur du Palais des papes avec une création, NÔT, présentée 6 fois (ICI). Ces chorégraphes bénéficient d'un alignement des planètes favorable. Le directeur du Festival d'Avignon Tiago Rodrigues, est portugais, comme le directeur de la Maison de la danse de Lyon et de la Biennale de danse de Lyon Tiago Guedes. La mère du directeur du Théâtre de la Ville à Paris et du Festival d'Automne à Paris, Emmanuel Demarcy-Mota, est portugaise.
a Folia suggère plutôt une attaque de zombis, qui finirait en comédie musicale traditionnelle. Le zombi comme « corps d'être humain privé de conscience, agressif (souvent cannibale) et contagieux, mort-vivant putréfié. » Sans doute les spécialistes du genre feraient remarquer qu'il n'y a pas de mares de sang (hélas ?, heureusement ?, allez savoir), pas de couteaux et donc de coups de couteaux, et autres joyeusetés du genre. Ça ne se trucide pas explicitement. Soit.
Quoiqu'il en soit, on peut formuler trois remarques : l'excellence du programme que le CCN - Ballet de Lorraine présentait récemment avec Michele Di Stefano et Marco Berrettini (notre article Nancy - Le Ballet de Lorraine enchante (Michele Di Stefano «Sierras» et Marco Berrettini «Songlines»)) mériterait de passer par Paris. La qualité de la vague Suisse en danse est manifeste (notre article Swiss Dance Week Paris 2024 : excellente édition). Enfin, dans une politique soucieuse du répertoire, il serait dommage d'"oublier" les talents des chorégraphes Karole Armitage et Michael Clark (notre article La répression et la guerre, après la liberté ? (Michael Clark, « to a simple, rock ’n’ roll . . . song. », Tanz in Bern), vidéos).
Fabien Rivière
Static Shot, Maud le Pladec, et a Folia, de Marco da Silva Ferreira, CCN - Ballet de Lorraine, La Villette (Paris), Chaillot Théâtre national de la danse hors les murs, du 5 au 7 mai 2025. En savoir +
PROGRAMMATION DANSE - LA VILLETTE : (avril - juillet 2025)
— Opera Ballet Vlaanderen - 24>26 avril
Trisha Brown Twelve Ton Rose
+ Anne-Teresa De Keersmaeker Piano Phase et Clapping Music
+ Jan Martens Graciela Quintett et On Speed
— CCN - Ballet de Lorraine — 5>7 mai —
Maud le Pladec Static Shot + Marco Da Silva a Folia
— Ballet de l’Opéra de Lyon — 14>16 mai — Ohad Naharin Last Work
— International Illest Battle - 100% Krump — 30>31 mai
— Rocío Molina — 4>7 juin — Carnación
— Sydney Dance Company — 11>15 juin
Rafael Bonachela Impermanence + Melanie Lane Love Lock
— Wim Vandekeybus — 25>28 juin — Infamous Offspring
— Florentina Holzinger — 30 juin>5 juillet — Ophelia’s Got Talent
— Batsheva Dance Company & The Batsheva Ensemble — 11>19 juillet — Anafaza