samedi 26 mai 2018

Jiří Kylián élu membre de l'Académie des Beaux-Arts et création d'une section de chorégraphie

.
Le chorégraphe tchèque Jiří Kylián, 71 ans, vient d'être élu membre associé étranger de l'Académie des Beaux-Arts (créée en 1816), qui est l’une des cinq Académies composant l’Institut de France (créé en 1795 ; par ailleurs constitué de l'Académie française, l'Académie des Sciences, l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et l'Académie des Sciences morales et politiques). La cérémonie d’installation de Jiří Kylián à l’Académie des Beaux-Arts devrait avoir lieu avant fin 2019.

De plus, une section de chorégraphie est créée dans la foulée. Elle sera composée à son ouverture de 4 membres. L’Académie passera alors de 59 à 63 membres. Ces statuts seront examinés par le Conseil d’Etat avant la parution du décret dans le Journal Officiel qui créera officiellement cette section.
Fabien Rivière

COMMUNIQUÉ DE PRESSE 
Vendredi 25 mai 2018
Jiří Kylián élu membre associé étranger de l’Académie des beaux-arts 
Création d’une section de chorégraphie

Au cours de sa séance plénière du mercredi 25 avril 2018, l’Académie des beaux-arts avait procédé à l’élection de Jiří Kylián en qualité de membre associé étranger au fauteuil précédemment occupé par Léonardo Cremonini.

Cette élection vient de recevoir l’approbation du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, conformément aux statuts de l’Académie.

L’Académie a également adopté, ce 25 avril, une réforme de ses statuts dans la perspective de la création d’une section de chorégraphie. Cette modification des statuts sera prochainement soumise au Conseil d’Etat.

L'avenir du Ballet de Marseille inquiète les Centres chorégraphiques

Pieter C. Scholten et Emio Greco, Photo DR

Le quotidien La Provence du samedi 19 mai nous apprenait que le premier mandat des deux co-directeurs du Ballet National de Marseille - Centre chorégraphique national, Emio Greco et Pieter C. Scholten, ne sera pas renouvelé, et s'achèvera à la fin de cette année (article). Un nouveau projet sera mis sur pied, « orienté vers la jeunesse. » Les Centres chorégraphiques nationaux s'inquiètent vivement dans un communiqué de presse que nous publions dans sa totalité. On rappellera la nomination récente à la tête du Centre chorégraphique national de Rennes d'un collectif de six chorégraphes et deux professionnelles issus du hip-hop (notre article).
Fabien Rivière
——————————————————————————

   REMARQUE    
Pour aider à la lecture, nous avons mis en gras certain passages. 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE 
Madame la Ministre,

Par un communiqué de presse du 18 mai 2018, nous avons non seulement officiellement pris acte qu’Emio Greco et Pieter C. Scholten ne seraient pas reconduits à la direction du Ballet National de Marseille (BNM) après leur premier mandat, mais également appris la transformation du CCN en «un nouveau projet artistique et culturel, pilote et expérimental au niveau national, qui proposera une forme nouvelle de CCN qui sera orienté vers la jeunesse ».

Au nom de l’ensemble du réseau des Centres chorégraphiques nationaux, nous nous permettons de vous adresser ce courrier pour vous faire part de notre stupéfaction face à la succession de ces annonces et la rapidité avec laquelle a été décidé le devenir de cette structure.

Nous voulons tout d’abord vous assurer de l’attention que nous comptons porter à l’accompagnement de la sortie de la direction encore en poste, dans l’esprit des récents textes émanant du Ministère de la Culture, et notamment de la circulaire en date du 15 janvier 2018.

Nous prêtons évidemment la même attention au devenir de l’ensemble de l’équipe du BNM. A ce titre, nous ne pouvons cacher notre préoccupation face à la disparition annoncée, dans le cadre du nouveau projet, d’un effectif permanent et conséquent de 21 danseurs, mettant ainsi fin à une histoire de près de cinquante ans. Il convient à ce sujet de rappeler que le BNM a déjà connu une réduction d’effectif conséquente puisqu’il comptait encore dans les années 90 une quarantaine de danseurs.

S’il peut sembler étonnant à certains observateurs que le sud-est de la France comporte plusieurs ballets sur son territoire, nous tenons à vous rappeler que ceux-ci sont loin d’être nombreux en France.

Aujourd’hui au nombre de 12 – aux effectifs d’ailleurs très divers, dont 5 CCN –, ils sont régulièrement fragilisés par les acteurs de la politique culturelle.

Pour autant, les ballets sont essentiels à plus d’un titre. Ils sont porteurs d’un répertoire d’une grande richesse d’écritures chorégraphiques, alliant dimension historique et créations contemporaines d’envergure. Ils rencontrent une grande adhésion des publics, que ce soit en France ou à l’étranger et contribuent ainsi grandement au rayonnement chorégraphique de la France.

Du point de vue de l’emploi, ce sont les seules structures qui proposent de nombreux postes permanents à des danseur.euse.s. Elles ont d’ailleurs un rôle majeur dans l’insertion des danseur.euse.s issu.e.s des formations supérieures. La présence au sein même du bâtiment du BNM de l’Ecole Nationale Supérieure de Danse de Marseille ainsi que la mise en place de la cellule d’insertion à travers le BNM Next prouvent toute la pertinence de cette question à Marseille.

Si nous avons conscience que le BNM a pu connaître ces dernières années des périodes difficiles, la confiance que nous portons en l’outil CCN nous assure que, sous la forme qu’il a toujours connu, il a encore de belles heures devant lui.

Que ce soit sous la forme d’un ballet d’auteur ou celle d’un ballet de répertoire, il nous semble absolument indispensable que cette structure fondée par Roland Petit et Gaston Defferre en 1972 puisse poursuivre son activité, avec des changements sans doute nécessaires, mais sans impact.

Nous ne pourrions entendre que les moyens financiers du BNM soient redistribués auprès d’autres structures défendant l’art chorégraphiques. Nous reconnaissons évidemment les moyens nécessaires à ces autres structures, mais refusons l’affaiblissement des moyens d’un CCN pour venir pallier les manquements de l’Etat et des collectivités territoriales.

Nous ne remettons nullement en question la nécessité de repenser le projet d’un CCN pour l’adapter à « une nouvelle réalité territoriale » mais ce qui est aujourd’hui annoncé nous paraît en complète contradiction avec l’essence et l’histoire du BNM.

Nous connaissons l’importance qu’a le Ballet National de Marseille dans la présence de la danse sur les territoires de la ville de Marseille, de la métropole, de la région et même au-delà. Nous savons que le public se montre fidèle et curieux des propositions qui peuvent leur être offertes par ce CCN. Il paraît donc étrange de vouloir tout à coup repenser drastiquement son identité. Contrairement à ce qui est déclaré, sa disparition en tant que tel constituerait un appauvrissement sans précédent du paysage chorégraphique à toutes les échelles.

Nous ne cherchons nullement à minimiser les soucis qu’a pu traverser le BNM depuis le départ de Roland Petit [1997*]. Pour cette raison, nous pensons nécessaire, avant d’envisager quoi que ce soit pour l’avenir de la structure, qu’un temps conséquent soit pris pour résoudre les questions qui se posent de façon résiduelle depuis plusieurs années. Le cas du CCN – Ballet de Lorraine et de la mission accomplie par Françoise Adret en 1999 avant la nomination de Didier Deschamps, nous semble exemplaire des bienfaits qu’un temps de réflexion et de restructuration peuvent apporter dans ce type de situation.

La « solution » imaginée par les partenaires institutionnels du BNM nous paraît, au contraire, empreinte d’une précipitation inconsidérée.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre courrier, nous restons à votre disposition pour tout échange et nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l’expression de notre haute considération,

Pour l’ACCN
Maud le Pladec / Co-présidente
Alban Richard / Co-président
Solenne Racapé / Vice-présidente
Grégory Cauvin / Secrétaire
Yves Kordian / Trésorier

[* Direction = 1998-2004 : Marie-Claude Pietragalla, 2004-2013 : Frédéric Flamand, depuis septembre 2014 : Emio Greco et Pieter Scholten]

mercredi 23 mai 2018

A Guy Called Gerald, Voodoo Ray

Voodoo Ray is a 1988 Acid House single by Gerald Simpson, recording under the name A Guy Called Gerald. The single was released the UK in 1988, in the 7" and 12" vinyl formats, on the Rham! label. It reached number 12 in the UK singles chart, and was the best selling independently released

mardi 22 mai 2018

Danse - La violence de (La) Horde (« To Da Bone »)

To Da Bone, (La) Horde, Photo DR 

(La) Horde est un collectif qui réunit Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel. Il a obtenu le deuxième prix du concours Danse élargie en juin 2016, organisé par le Musée de la danse à Rennes que dirige Boris Charmatz et le Théâtre de la Ville à Paris dans ses murs. Entre hier et aujourd'hui, la proposition, dans laquelle ils ne dansent pas, To Da Bone, est passée de 10 à 48 minutes. 

Ce qui frappe d'emblée, c'est que la violence s'est accentuée. Un homme entre puis se positionne au milieu du plateau, face au public, immobile, le visage fermé, très dur, muet, habillé en jean, baskets et veste de sport. On dirait un vigile, un policier, un militaire, ou un membre d'une milice. Un par un, dix hommes (et une femme) vont faire de même. Puis, ils vont danser groupés le jumpstyle (jump signifie sauter en anglais). Ou plutôt, la forme la plus violente de cette danse qui peut être bon enfant ou suggérer la désolation. Elle se danse en demeurant sur place, debout, en envoyant les jambes à l'avant et à l'arrière, balançant les bras de gauche à droite et inversement.   

Arthur Harel, Marine Brutti et Jonathan Debrouwer, Capture d'écran Espaces Magnétiques

C'est martial, « viril », ou du moins une définition très radicalisée et caricaturale de « la virilité ». Le groupe, ou plutôt le commando, va se lancer dans un jumpstyle très mécanique, où chacun fait le même mouvement, puis pivote d'un quart de tour, et recommence, et ainsi de suite. Ils vont se disperser dans l'espace. Étonnamment, cette séquence, qui joue avec des sous-ensembles, n'est pas vraiment développée. Le site internet du théâtre parle de « gigue déjantée. » Mais où est le lâcher prise ? 

Un homme s'adresse au public, ou plutôt crie, sinon hurle, dans une langue étrangère. Du russe, semble-t-il. Puis un autre, en allemand. Le ton est très dur. Pour ne rien arranger, ses propos ne sont même pas traduits. Un homme parle en français. On ne comprend pas tout. Il s'agit d'un cours pas très passionnant d'histoire du jumpstyle.   

Saluts au Théâtre de la Ville - Les Abbesses, To Da Bone, (La) Horde, Photo Fabien Rivière

Il y a bien quelques récits autobiographiques, quelques bribes à vrai dire, mais qui sont d'une grande banalité. Une seule chose attire l'attention, quand un danseur parle de sa « frustration ». Il a alors 14 ans. Il aurait fallu creuser dans cette direction. En leur remettant le deuxième prix du jury lors de Danse élargie, Vincent Macaigne expliquait : « Ce qu'on a récompensé est vraiment très beau, parce que ça nous a parlé d'une forme de colère qu'il peut y avoir en Europe. Il y avait une sorte d'énergie à nos yeux tribale, politique et contemporaine. On a aussi voulu féliciter le travail de recherche de danse. » Mais ce qui frappe c'est l'incapacité à réfléchir la dimension sociale et politique de cette danse ou de ces êtres, dont on ne saura absolument rien de leur humanité. Ils seraient vides ? On est à l'opposé des écrits du jeune Édouard Louis, dont le récit Qui a tué mon père est paru récemment. (La) Horde n'a absolument pas avancé dans sa réflexion. On peut même se dire qu'il a régressé. Quand Édouard Louis réfléchit sur l'histoire de la violence (c'est même le titre de son deuxième livre), (La) Horde se contente d'affirmer qu'il est fasciné par la violence. C'est terrible. Sans doute peut-on leur faire crédit, contrairement à beaucoup, de s'intéresser au monde tel qu'il est. Encore faut-il proposer un regard. Leur autre atout serait de pouvoir attirer un public « jeune », permettant ainsi de rajeunir l'âge moyen du spectateur. Mais pour quoi faire ? Car Genet, Pasolini et Fassbinder ne se contentaient pas d'exposer la violence avec complaisance. 
Fabien Rivière

(La)Horde, To Da Bone, Théâtre de la Ville - Les Abbesses (Paris), samedi 19 mai 2018. ICI

NOTRE TEXTE PARU LORS DU CONCOURS DANSE ÉLARGIE EN 2016 ICI

(La)Horde est un collectif créé par Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel en 2013 à Paris. Il s'intéresse au jumpstyle. C'est un genre de musique électronique techno hardcore qui apparaît à la fin des années 90 aux Pays-Bas et en Belgique, qui associe une forme de danse pratiquée lors de fêtes underground. Le mouvement va se diffuser mondialement. Du côté d'internet on trouve de courtes vidéos d'une personne ou d'un groupe dansant dans l'espace privé ou public.

L'intérêt pour cette danse se développe en trois temps : la création de Avant les gens mourraient pour l'Ecole de Danse Contemporaine de Montréal (EDCM) en 2014, le court métrage de 16 minutes Novaciéries ICI présenté dans les festivals (de cinéma, mais pas seulement) en 2015, et aujourd'hui To Da Bone en 2016.

Le titre de la pièce, To Da Bone — en français, Jusqu'à l'os —  associe de l'argot anglais, To Da (pour To The), à de l'anglais, la norme linguistique et son contraire. Les interprètes se connaissent depuis longtemps, mais ne s'étaient jamais rencontrés physiquement. Ils sont dix, huit jeunes hommes et deux jeunes femmes, qui ont adopté le look normcore : baskets, pantalon plutôt jean 501 (pas trop serré et pas trop large) et une veste de sport (ici, colorée). On lit sur internet qu'il s'agit d'« une esthétique de la normalité » et de « non-style ». (La)Horde aurait souhaité associer des performers afro-états-uniens et indonésiens, mais cela n'a pas été possible, et nous voici avec dix Blancs. Ils ont conscience que c'est problématique.

Le groupe, compact, est en mouvement dans une mécanique sans fin, d'où un individu sort un temps, pour revenir dans la meute tout aussi mécaniquement. C'est réussi, un peu trop « viril » au sens où tout cela porte une agressivité certaine. Cette discipline peut faire penser à un entrainement de militaires ou de néo-nazis. À la fin on se dit qu'après la représentation ils vont tous aller « casser du pédé. » L'esthétique jumpstyle est en fait plurielle : sur internet, les vidéos sont bon enfant, souriantes et détendues, le film Novaciéries suggère la désolation, To Da Bone la potentialité d'une confrontation future violente. En leur remettant le deuxième prix du jury, Vincent Macaigne expliquait : « Ce qu'on a récompensé est vraiment très beau, parce que ça nous a parlé d'une forme de colère qu'il peut y avoir en Europe. Il y avait une sorte d'énergie à nos yeux tribale, politique et contemporaine. On a aussi voulu féliciter le travail de recherche de danse. » Mais on peut percevoir cette énergie comme régressive, et dangereuse. Il existe un danger à trop l'esthétiser. La montrer est une chose, expliquer les conditions socio-historiques qui rendent possibles son apparition en est une autre, plus difficile, plus ambitieuse et plus nécessaire. Au cinéma on dirait que tout cela est un problème de cadrage : le spectre est large entre la dénonciation et l'accord, en passant par le constat qui se veut neutre. (La)Horde défend le droit à un « regard non autoritaire ». Mais il nous semble que la réflexion sur le cadrage doit se poursuivre, en dissipant l'ambiguité.