vendredi 9 juin 2017

Danse - Ce que charrie Ali Chahrour (« May He Rise and Smell the Fragrance »)

Saluts à l'issue de la représentation de May He Rise and Smell the Fragrance d'Ali Chahrour
 (2° en partant de la gauche), Photo Fabien Rivière 

Le danseur et chorégraphe libanais Ali Chahrour présentait May He Rise and Smell the Fragrance, en français Peut-il se lever et sentir le parfumla dernière partie de sa trilogie, découverte en juillet dernier pendant le Festival d'Avignon avec Fatmeh et Leïla se meurt (notre article ICI). Le cadre de présentation de l'œuvre était sensiblement différent ce 6 juin : la pierre et le plein air du Cloître des Célestins, bâti au XIV° siècle par l'ordre des Célestins, et ses deux magnifiques platanes, a cédé la place au Théâtre de l'Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes à l'est de Paris, lors du Festival June Events, qui n'est pas sans charme, principalement celui du vaste hall d'entrée où un bar et une librairie sont installés sur un sol rouge vif. 

La trilogie porte officiellement, ou consciemment, selon le chorégraphe, sur « la mort comme rituel pour traiter le rapport entre la danse, la religion au sein de la société arabe ». Rien d'assommant ou de mortifère heureusement. Mais le sujet est à vrai dire plus ample. Fatmeh est un duo où se déploie la puissance d'agir de deux femmes (quand elles ne sont pas sous l'atroce emprise de la domination masculine ?). Leïla se meurt active un trio redoutable : Dieu (écrasant), la Mère (toute puissante à un certain niveau, même si elle est prise dans une histoire tragique) et le Fils (qui essaie de se dépatouiller face à ces deux figures cannibales). 

Ali Chahrour dans May He Rise and Smell the Fragrance, Photo Zyad Ceblany 

Que pouvait donner la troisième partie ? 

On retrouve la Mère, qui, cette fois, a perdu son Fils, et qui s'adresse à l'Absent. Dans Leïla se meurt elle avait perdu son Mari, et d'autres hommes. Elle se lamente et transcende d'une certaine façon la situation à travers la musique, jouée live par Ali Hout et Abed Kobeissy du groupe Two or The Dragon (qui mobilisent des bouzouks et des bendirs, un riq et un daf iranien), et le chant, avec l'épatante Hala Omran, à la voix d'une impressionnante ampleur qui n'est pas sans évoquer Oum Kalthoum. C'est une énergie qui rejoint celle du rock. Mais quand la chanteuse se déchaîne en surplomb derrière son micro seins nus, le Fils est au sol, allongé sur le dos, tourné vers le ciel, dans une sorte de transe. La pièce a été créée à Beyrouth devant un public où se trouvaient notamment des femmes voilées sans que cela ne pose de problèmes, ni dans la salle, ni dans la presse qui a salué la qualité du travail. 

Il est remarquable que les hommes demeurent constamment hors-champ. L'inverse aurait été plus probable, sous le régime du patriarcat. Dans la deuxième pièce ils sont même décrits comme morts, de maladie, ou au combat. Ne demeure que le Fils, mais, face à sa Mère, bien qu'officiellement adulte, il reste malgré tout mineur. 

On découvre alors les déclarations d'Ali Chahrour à L'Orient Le Jour (ICI) : « J'ai grandi dans un milieu matriarcal, où les femmes sont dotées d'une force de caractère, assument leur indépendance et leur appartenance religieuse sans toutefois sombrer dans le fanatisme. Elles m'ont ouvert les yeux sur le pouvoir des femmes face aux hommes. » Et d'ajouter : « Dans ma famille, les hommes meurent tôt et les femmes leur survivent avec dignité et maîtrise de soi. » 

Bref, comment devenir un Homme, chiite en l'occurrence, quand un Dieu et une Mère vous en empêchent ? À vrai dire, Il faudrait se débarrasser de l'un et de l'autre. En France, le Roi a été décapité en 1793 (pouvoir temporel) et une loi a organisé la séparation des églises et de l'État en 1905 (pouvoir spirituel). La troisième pièce réactive les problématiques de la seconde, sans vraiment avancer, même si elle est de très grande qualité. Car quand Ali Chahrour pense parler des Femmes, il ressasse la question de la Mère. Sans doute faut-il aller au bout de quelque chose pour s'en débarrasser. Ou pas.
Fabien Rivière
May He Rise and Smell the Fragrance, d'Ali Chahrour, 6 juin, Festival June Events. Site

Le hall du Théâtre de l'Aquarium avant d'entrer dans la salle de spectacle, Photo Fabien Rivière

mardi 6 juin 2017

La Danse au Festival d'Avignon 2017 — IN

Couverture du programme 2017 du Festival d'Avignon, peinture de Ronan Barrot 

Né à la sortie de la 2° guerre mondiale, en 1947, le Festival d'Avignon fêtera en 2017 sa 71° édition, la 4° sous la direction d'Olivier Py. La danse y est présente depuis 1966, avec l'invitation quatre années de suite de Maurice Béjart dans la Cour d'honneur du Palais des Papes. Cette Cour verra cette année la présence d'une figure très importante de la danse flamenca, l'Espagnol Israel Galván. Mais il n'est pas nécessaire d'aimer "le flamenco", tant Galván déconstruit avec intelligence cet art en le rendant contemporain (comme on dit "danse contemporaine"). 50 spectacles sont proposés dont 19 relèvent de la danse voire de la performance (en intégrant les Sujets à Vif, initiative de la SACD). 

En danse, les thématiques principales s'organisent autour de quelques points forts d'un art qui peut être engagé, dans le cadre, mais pas seulement, du Focus Afrique subsaharienne : la fête d'abord, que célèbre Israel Galván, — « de fêtes populaires en temps sacrés avec les carnavals et les pèlerinages », sans oublier la danse dans un théâtre —, la mer Méditerranée, que doivent traverser au risque de la mort  les réfugiés qui veulent rejoindre l'Europe (le metteur-en-scène Guy Cassiers associé à la chorégraphe Maud Le Pladec à partir d'un texte de la Prix Nobel de littérature 2004 Elfriede Jelinek, Les Suppliants, publié en 2013), ou que l'on contemple depuis la Tunisie (Radhouane El Meddeb), l'homme dans l'histoire (Dimitris Papaioannou), l'engagement de Fela Kuti, ce musicien nigérian qui résista au pouvoir (Serge Aimé Coulibaly), la figure du populiste, que le programme du Festival nomme « tyran démocratique » (Boyzie Cekwana), le « sort des femmes qui disparaissent de la vie sociale, sans explication » (Lemi Ponifasioele viol des femmes dans les zones de conflits (Dorothée Munyaneza). 
Fabien Rivière

www.festival-avignon.com
Festival d'Avignon (IN), Du 6 au 26 juillet.  
Ouverture de la billetterie = en Avignon, le samedi 10 juin. 
Téléphone et internet, le lundi 12 juin à partir de 10h.

Couverture de l'ouvrage d'Arol Ketchiemen, Dictionnaire de l'origine des noms 
et surnoms des pays africains, aux éditions Favre (Lausanne, Suisse), 2014 Site
Rappelons que l'organisation de force de l'Afrique en États-nations 
sur le modèle occidental est une création des puissances coloniales 

   Israel Galván   Séville  
La Fiesta 
Cour d'honneur du Palais des Papes — Dates :16 > 23 juillet  En savoir +


   Radhouane El Meddeb    Tunis  
Face à la mer, pour que les larmes deviennent des éclats de rire 
Cloître des Carmes — 20 > 25  En savoir +


Serge Aimé Coulibaly Bobo-Dioulasso, Burkina Faso & Bruxelles 
 Kalakutra Republik
Cloître des Carmes — 19 > 25  En savoir +


Dorothée Munyaneza Portland & Marseille  
Unwanted     
Chartreuse de Villeneuve lez Avignon — 7 > 13  Photos DR  En savoir +

Boyzie Cekwana Durban - Afrique du Sud  
The Last King of Kakfontein [Le dernier Roi de la fontaine de caca]
Chartreuse de Villeneuve lez Avignon — 17 > 23 Photo Lungile Cekwana  En savoir + 

Kettly Noël Port-au-Prince Bamako Tichèlbé [Macho, en créole]  En savoir +
Nadia Beugré & Nina Kipré Abidjan  Sans repères  En savoir + 
(elles reprennent une pièce de Béatrice Kombé [1972-2007])
Seydou Boro & Salia Sanou Ouagadougou Figninto - L'œil troué En savoir +
Théâtre Benoît-XII — 9 > 15    


Guy Cassiers [Théâtre] & Maud Le Pladec [Danse] Anvers & CCN d'Orléans 
Grensgeval (Borderline). d'après les Suppliants de Elfriede Jelinek
Parc des Expositions — 18 > 24  En savoir +


Dimitris Papaioannou Athènes - Grèce 
 The Great Tamer
La Fabrica — 19 > 26  Photo Julian Mommert  En savoir + 

Lemi Ponifasio  AucklandNouvelle-Zélande  
Standing in Time
Cour du Lycée saint Joseph — 7 > 10  Photo MAU  En savoir +

Ambra Senatore CCN de Nantes   CCN = Centre chorégraphique National 
Scena Madre
Gymnase du Lycée Mistral — 7 > 13    Photo CCNN Bastien Capela   En savoir +

Fanny de Chaillé Chambéry  
 Les Grands. de Pierre Alféri
 Théâtre Benoît-XII — 19 > 26   En savoir +
Pierre Alféri, dit Thomas Lago, né Pierre Derrida en 1963 à Paris, est un romancier, traducteur, poète et essayiste français. Photo Marc Domage

Raphaël Cottin CCN de Tours   
C'est une légende  duo 40 mn.
 Danse jeune public — CDC Les Hivernales — 23 > 26  En savoir +
Photo Frédéric Iovino 


SUJETS À VIF 
——— Initiative de la SACD ———
Programme A  8>14 — 11h
Koffi Kwahulé et Michel Risse Ezéchiel et les bruits de l’ombre   En savoir +
DANSE Gaëlle Bourges et Gwendoline Robin  Incidence 1327   En savoir +
Programme B  8>14 — 18h
Joachim Latarjet et Nikolaus  La même chose         En savoir +
Julien Mabiala Bissila et Adèll Nodé-Langlois  Le rire pare-balles      En savoir +
 Programme C  19>25 — 11h
Sir Alice et Cristina Kristal Rizzo (Untitled) humpty dumpty      En savoir +
David Somló et Claudia Triozzi  Accents      En savoir +
Programme D  19>25 — 18h
Mathieu Desseigne-Ravel et Michel Schweizer Bâtards    En savoir +
Jann Gallois et Lazare  L’éclosion des gorilles au cœur d’artichaut   En savoir +

Visuel associé à Bâtards, Photo Patrick Veyssiere