vendredi 11 novembre 2011

"Golgota Picnic, un spectacle qui blesse", selon l'épiscopat

(Paris, le 10 novembre 2011, AFP) La pièce Golgota Picnic de Rodrigo Garcia, qui débute jeudi soir à Toulouse, avant d'être donnée au Théâtre du Rond-Point à Paris, "est un spectacle qui blesse", a déclaré jeudi Mgr Bernard Podvin.

Pour le porte-parole de la Conférence des évêques, "on ne peut pas ne pas être inquiet devant un spectacle de cette nature et notre réprobation est évidente", a-t-il déclaré à l'AFP.

"C'est un spectacle radicalement différent de la pièce de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du Fils de Dieu et nous n'avions pas attendu que Civitas fasse cet amalgame intégriste pour exprimer notre réprobation dès le mois de septembre".

"La liberté d'expression est à respecter comme sacrée ? Qu'elle respecte donc aussi ce qui est sacré !", s'était-il insurgé à propos de ce "picnic" particulièrement provocateur.

"Ce spectacle blesse et blessera", a-t-il ajouté, soulignant que l'Eglise catholique choisissait "des méthodes de paix", mais que "cet événement sonne comme une alerte".

Mgr Podvin a renvoyé au discours du cardinal archevêque de Paris Mgr André Vingt-Trois prononcé mercredi lors de clôture de l'assemblée plénière des évêques de France qui s'est tenue du 4 au 9 novembre à Lourdes (Hautes-Pyrénées).

"Deux spectacles, différents dans leur intention et dans leur réalisation, a déclaré le président de la Conférence épiscopale, ont suscité un vif émoi parmi les chrétiens. Nous comprenons le trouble de beaucoup devant des oeuvres difficiles à interpréter".

"Nous devons aborder ces événements, qui revienne périodiquement, sans nous laisser enfermer dans une forme de débat où l'Eglise se défendrait elle-même comme un groupe minoritaire dans une société pluriculturelle ou même hostile".

"Nous ne pouvons pas oublier qu'il y a une logique de l'Incarnation. En Jésus, a poursuivi Mgr Vingt-Trois. En Jésus, Dieu s'est livré aux mains des hommes. Notre foi au Christ nous appelle à le suivre dans la manière dont lui-même a affronté l'adversité, la violence, la haine".

"L'artiste doit expliquer son intention. Ne doit-il pas aussi prêter attention à la foi des humbles, l'écouter et se laisser toucher en voyant qu'elle se traduit le plus souvent par un amour réel des plus souffrants parmi nous ? Le Crucifié de Jérusalem a-t-il une parole à dire ?" s'est encore interrogé le cardinal archevêque de Paris.

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EXTRAIT du Discours de clôture de l'Assemblée plénière de la Conférence des évêques de France, par le  Cardinal André Vingt-TroisArchevêque de Paris, Président de la Conférence des évêques de France, 9 novembre 2011

« Deux spectacles, différents dans leur intention et dans leur réalisation, ont suscité un vif émoi parmi les chrétiens. Nous comprenons le trouble de beaucoup devant des œuvres difficiles à interpréter. Nous devons aborder ces événements, qui reviennent périodiquement, sans nous laisser enfermer dans une forme de débat où l'Église se défendrait elle-même comme un groupe minoritaire dans une société pluriculturelle ou même hostile. Nous ne pouvons pas oublier qu'il y a une logique de l'Incarnation. En Jésus, Dieu s'est livré aux mains des hommes. Notre foi au Christ nous appelle à le suivre dans la manière dont lui-même a affronté l'adversité, la violence, la haine. Plus largement que les deux spectacles en question, nous sommes donc invités à une réflexion sérieuse sur notre rapport avec des créations culturelles dont les intentions ou les réalisations offusquent notre amour du Christ.

Des œuvres évoquent explicitement le Christ, Fils de Dieu. Souvent, il s'agit du Crucifié sur le mont Golgotha. Elles ne manquent pas d'interroger. Pourquoi le visage du Crucifié questionne-t-il tant ? De quelle force est-il porteur ? Quelle lumière nos contemporains y cherchent-ils avec tant d'assiduité ? Quel sens veulent-ils donner à la violence ou à l'outrance des images qu'ils produisent ? Aucun spectateur ne peut rester indifférent. Il est amené à se prononcer dans sa 
quête du vrai, du beau, de la transcendance, et pour tout dire de l'amour qui ne contourne pas les souffrances et les misères humaines. Ces œuvres obligent aussi les chrétiens à s'interroger et à chercher quels appels elles expriment, quelles recherches de Dieu s'y manifestent.

Certaines œuvres sont provocantes et leurs provocations blessent bon nombre de spectateurs, chrétiens ou non. L'artiste doit expliquer son intention. Ne doit-il pas aussi prêter attention à la foi des humbles, l'écouter et se laisser toucher en voyant qu'elle se traduit le plus souvent par un amour réel des plus souffrants parmi nous ? Dans ce dialogue entre l'art et la foi, se situe l'énigme de la souffrance humaine. Celle-ci est vive aujourd'hui : où trouver l'
espérance ? Le Crucifié de Jérusalem a-t-il une parole à dire ? Comment sa croix annonce-t-elle quelque chose de bon pour l'homme : le salut. Reconnaître ces questions et entrer dans le dialogue est la première tâche des chrétiens. Que ceux-ci ne se trompent pas de combat. C'est d'abord un combat sur eux-mêmes. Être toujours plus fidèles à leur foi dans la société contemporaine en proie à la crise de sens que nous connaissons tous, tel est le véritable combat que les chrétiens ont à vivre. Ils ne le mèneront jamais mieux qu'en s'efforçant d'imiter au plus près leur Seigneur, en vivant de son inépuisable pardon. Voilà le témoignage auquel nous, chrétiens, nous sommes tous conviés. Car le visage du Christ, mieux que nulle part ailleurs, se laisse voir en ses disciples, aujourd'hui comme hier.

L'indifférence, l'incompréhension, la méconnaissance ou le rejet qui s'expriment à l'égard du Christ et de la foi nous touchent tous dans notre amour du Seigneur et notre amour des hommes. Cette blessure ne doit pas et ne peut pas se transformer en violence verbale, et moins encore physique. Elle doit nourrir notre prière, prière personnelle et prière communautaire. Elle doit motiver notre désir de faire connaître le vrai visage du Christ, tel qu'il s'est révélé dans sa Passion et sa crucifixion. À Pierre, il a fait rengainer son glaive. Aux femmes de Jérusalem, il a enjoint de pleurer sur elles-mêmes et leurs enfants. Devant les puissants qui allaient le juger et devant les agressions des soldats, il s'est tu. Sur la croix, il a prié pour ses bourreaux. Suivons donc son exemple et prions pour ceux qui ne le reconnaissent pas ou qui le maltraitent et pour ceux qui sont blessés dans leur amour pour lui. C'est ainsi que nous communions au Christ. » (Source : ICI)


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COMMUNIQUÉ GOLGOTA PICNIC 
Théâtre Garonne, Toulouse, le 27 octobre 2011

Le théâtre Garonne, comme d'autres théâtres en France, subit depuis plusieurs semaines des pressions et des menaces visant à annuler les représentations du spectacle de Rodrigo Garcia, Gólgota Picnic. Ce spectacle a été présenté pendant cinq semaines au Centre Dramatique National de Madrid, puis dans plusieurs villes européennes, sans aucun incident. Une autre oeuvre est visée par cette campagne : Sur le concept du visage du fils de Dieu, de Romeo Castellucci, présentée ces jours-ci au Théâtre de la Ville à Paris qui subit des attaques sans précédent :

Ce mouvement est initié notamment par l'Institut Civitas qui se définit comme un "mouvement politique inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l'Église et regroupant des laïcs catholiques engagés dans l'instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples". L'Institut Civitas accuse ­ sans fondement Golgota Picnic­ d'offenser la figure du Christ et la religion catholique, qualifiant le spectacle de "blasphématoire". Ce faisant, il dénie le droit inaliénable à la liberté d'expression qui s'inscrit dans le cadre de la loi.

La violence et la haine déclenchées, au-delà de l'inquiétude légitime qu'elles suscitent, appellent en retour une responsabilité citoyenne. Le théâtre Garonne, solidaire des théâtres visés, revendique par ailleurs pleinement les raisons artistiques qui l'ont amené à programmer le spectacle de Rodrigo Garcia, qui sera montré à Toulouse aux dates prévues.

Jacky Ohayon et l'équipe du Théâtre Garonne

Gólgota Picnic
du 16 au 20 novembre, théâtre Garonne (Toulouse) Théâtre Garonne
du 8 au 17 décembre, Théâtre du Rond-Point (Paris)  Théâtre du Rond-PointFestival d'Automne à Paris

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