Le danseur, chorégraphe et pédagogue Dominique Bagouet disparaissait il y a exactement 30 ans, le 9 décembre 1992, emporté par le Sida, à l'âge de 41 ans. Sa compagnie s'était installée à Montpellier fin 1980, pour devenir Centre chorégraphique régional de Montpellier puis Centre chorégraphique national de Montpellier en 1984. Il fonde le Festival Montpellier Danse en 1981. Il appartenait à la première génération de chorégraphes contemporains français qui émergent autour de 1975, à la fois humainement respectueux et respecté, et artistiquement remarquable. À sa mort, les danseurs de la compagnie vont fonder Les Carnets Bagouet afin de préserver et transmettre le patrimoine artistique du chorégraphe. Plus qu'un long discours, nous proposons trois vidéos (où l'on peut découvrir le doux Bernard Glandier, décédé le 7 décembre 2000, à l'âge de 43 ans, des suites de la maladie de Charcot), où l'on peut l'observer, ainsi que son œuvre.
Pile, de Boston et dorénavant à Nashville, annonce son nouvel album, All Fiction, pour le 5 février 2023. En attendant, voici le deuxième extrait en vidéo, publié ce jour, Poisons, après un premier, Loops (ICI).
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Le chorégraphe italien Alessandro Sciarroni, 46 ans, l'un des plus talentueux de la scène européenne sinon mondiale, présente au CentQuatre-Paris, dont il est « artiste associé international » depuis 2016, DREAM, du mardi 29 novembre au dimanche 4 décembre.
On connaît ses propositions toniques sinon explosives, son goût pour le répétitif, on découvre son exact opposé, une immersion dans un espace plutôt tranquille. En l'espèce, « une exposition performative » de 5 heures, avec entrées, par exemple, à 19h, 20h30, 21h30 ou 22h30, et sortie libre à tout moment. Passer de l'agitation parisienne à cette méditation peut nécessiter un temps d'adaptation.
Dans ce bâtiment, inscrit au titre des monuments historiques, anciennes Pompes funèbres pendant 120 ans, on descend au niveau –1, aux Écuries Sud, un très bel espace presque parfaitement vide, de 700 m², 40 mètres de long sur 18 de large, sol de béton poli, plafond de briques rouges, murs en pierres recouverts de ciment brut, séparés en 4 sous-espaces par d'épaisses cloisons, où évoluent les 7 interprètes (cf. photo ci-dessus).
À droite, un solide gaillard à l'épaisse barbe sombre joue du piano droit noir, entouré, au sol, de partitions, où l'on observe les noms de CAGE, BEETHOVEN, CHOPIN, BRAHMS, et vraisemblablement SCARLATTI, ainsi qu'un ouvrage musical, I miei primi moderni, en français Mes premiers modernes. Dans les autres sous-espaces, les interprètes sont disposés ainsi : à sa gauche, un homme et une femme ; puis un homme et une femme ; enfin, deux hommes. Habillés plutôt en noir, avec des bottines ou des bottes, pantalons amples coupés au niveau du genou.
Le pianiste joue quelques notes, puis le silence s'installe, puis quelques notes, suivi du silence de nouveau, etcetera. Parfois il joue un morceau entier, par exemple du Bach, puis il évolue dans l'espace.
Le public, silencieux, constamment attentif, s'assoit sur le sol ou passe d'un sous-espace à un autre. Les danseurs sont debout le plus souvent, dans des mouvements d'amplitude et de tonicité faibles, qui tendent vers la raréfaction. On peut donc sortir et rentrer dans la salle. Quand on sort, on peut avoir le sentiment d'avoir été, sans s'en rendre compte, en apnée. Le programme de salle indique que le public peut aussi rêver. Il est plutôt saisi par le réel. Sciarroni y parle aussi de la barrière qu'il entend maintenir entre les interprètes et le public. C'est peut-être aussi cela qui saisit le public.
On peut penser à la vaste exposition Disappearing Acts, en français Actes de disparition, du plasticien américain Bruce Nauman, 76 ans, que nous avons vu à la fois au Schaulager à Bâle (Suisse, mars - août 2018), puis au MoMA et à son annexe contemporaine MoMA PS1 à New-York (États-Unis, octobre 2018 - février 2019). Dans les premières vidéos datant des années 70 il apparaît dans des performances joyeuses et mobiles, la plus récente le montre sombre dans un mouvement répétitif. À l'inverse, Merce Cunningham, jusqu'à la fin de sa vie, à 90 ans, a conservé le même tonus vital.
On trouve dans le dossier de presse la phrase qui affirme qu'il s'agit d'« une méditation sur l'être humain ». Peut-être plutôt sur la disparition de l'être humain, sa disparition physique et la disparition de relations humaines véritables, qui le constitue.
Fabien Rivière
DREAM, d'Alessandro Sciarroni, au Cent-Quatre Paris, 29 novembre - 4 décembre 2022. En savoir +
Ann est extrait du mini-album 4 titres du groupe australien à la fois fantasque et sombre Tropical Fuck Storm, que l'on peut proposer de traduire en français par Putain de tempête tropicale, paru le paru le 26 août 2022, Moonburn, en français Brûlure de lune.
ALBUM Moonburn (écoute gratuite et achat) > bandcamp
Ann & You Let My Tyres Down - Le Trabendo, Paris - 13/09/2022
Ci-dessous, trois extraits de l'album Deep States, publié le 20 juillet 2021 : New Romeo Agent, G.A.F.F. etBumma Sanger.
ALBUM Deep States (écoute gratuite et achat) > Bandcamp
REMARQUE Je ne prétends pas que ce film (muet) de 21 minutes est un chef d'œuvre,— on peut lui préférer Quad (ICI) — mais il constitue quand même une tentative intéressante. Samuel Beckett a alors 59 ans, Buster Keaton 70 ans. Il meurt l'année suivante.
« The play was first broadcast by the Süddeutscher Rundfunk in Germany on 8 October 1981, as Quadrat I + II.
Beckett himself directed ("assisted by Bruno Voges") The four performers, all "members of the Stuttgart Preparatory Ballet School", were, Helfried Foron, Juerg Hummel, Claudia Knupfer and Susanne Rehe. The same performance was rebroadcast on 16 December 1982, by BBC Two. » (source : Wikipedia)
Pile, de Boston et dorénavant à Nashville, annonce son nouvel album, All Fiction, pour le 5 février 2023. En attendant, un premier extrait est proposé,
Loops.
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Gilla Band (ex-Girl Band) a donc publié son nouvel album, Most Normal, le 7 octobre dernier, comme annoncé ici > Gilla Band, Backwash + Eight Fivers. Voici une nouvelle vidéo (Post Ryan).
— À Paris à La Gaité Lyrique, le samedi 26 novembre, ICI
Nehanda - Manifesting Thinking, de Nora Chipaumire (début de la représentation), Photo Fabien Rivière
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C'est une expérience étrange qu'il m'a été donné de vivre ce samedi 5 novembre à 20h à l'Espace Cardin du Théâtre de la Ville dans le cadre du Festival d'Automne à Paris (les deux structures ont le même directeur). Nora Chipaumire, née au Zimbabwe et vivant à New York, y présentait Nehanda - Manifesting Thinking.
Quand on entre dans la petite salle à l'italienne le spectacle a déjà commencé. La scène est magnifique, plongée dans la nuit et seulement éclairée par de petites loupiotes orangées disposées dans tout l'espace, comme des lucioles, et même, un peu, dans la salle. Elle suggère un loft ou un café où des amis, des connaissances, des voisins se retrouveraient un soir pour célébrer quelque chose, sans que l'on sache quoi précisément. En bord de plateau, de dos, quatre hommes debout chacun derrière un pied de micro ; sur le flanc droit, une dizaine de chanteurs et musiciens assis chacun sur une chaise.
À 20h03, un chant débute, sur un reggae très rythmique où l'on entendra bientôt, comme psalmodié, un « No Justice, No Peace ; No Peace, No Justice.» Manifestement, il s'agit de faire face à une adversité qui ne sera jamais nommée explicitement, face à laquelle il est tout aussi manifeste qu'il faut faire front, en faisant communauté, en se retrouvant. Veiller. Veiller sur soi et les autres, prendre soin du monde, pas de violence ici, mais de la chaleur, et, osons le mot, pourquoi pas, de l'amour (universel). Tous vont parler, simultanément. Ils parlent, mais à personne en particulier. Est-ce un constat sur le fonctionnement de la société où tout le monde parle obsessionnellement et pulsionnellement, sans que personne n'écoute vraiment ?
Malheureusement, l'accueil de la salle est immédiatement absolument glacial. Est-ce parce que le spectacle est classé en danse, et que, de danse, il n'y en aura pratiquement pas ? Dans le programme de salle, on parle d'opéra, et non de danse, en effet. La position de dos de ces quatre hommes, en ouverture, un moment, est-elle à ce point gênante ? Ne veut-on que ces productions où la frontalité séductrice est omniprésente ? Laisser le temps s'écouler tranquillement est-il si problématique ? Ne peut-on programmer cette œuvre que dans le cadre d'un festival de reggae, par exemple ? Il y aura pourtant cette scène magnifique où un jeune homme noir en élégant survêtement bleu avec de fines lignes noires verticales, se balance à une solide corde, de droite vers la gauche et inversement pendant cinq minutes, poussé au sol par un grand gaillard.
Dans les autres étrangetés on apprendra que cette proposition est la dernière d'une trilogie dont les deux autres parties n'ont pas été présentées. Qu'elle n'est pas frontale, mais immersive, et qu'elle dure six heures, et non une.
On ne doit pas oublier cette cérémonie tranquille et élégante, — où la recherche musicale est exceptionnelle — qui mobilise les consciences en profondeur dans ce monde brutal.
Fabien Rivière
Nora Chipaumire, Nehanda - Manifesting Thinking, Théâtre de la Ville - Espace Cardin, Paris, du samedi 5 au mardi 8 novembre. En savoir +
En août dernier est paru l'ouvrage de photographies Dance in Close-up - Hans van Manen seen by Erwin Olaf, en français La danse en gros plan - Hans van Manen vu par Erwin Olaf. Le premier est un chorégraphe hollandais mondialement connu et reconnu qui a pu fêter ce 11 juillet ses 90 ans. Le second est un photographe hollandais de 63 ans lui aussi connu mondialement. Ils se sont rencontrés en 1983 à Amsterdam.
La galerie Rabouan Moussion à Paris (France), qui défend le travail du photographe (ICI) présente ces clichés lors d'une exposition, pendant deux mois. Le chorégraphe et le photographe seront de passage à Paris cette semaine pour rencontrer la presse.
Fabien Rivière
LIVRE - DANCE IN CLOSE-UP - HANS VAN MANEN seen by ERWIN OLAF, Éditions HANNIBAL (Veurne, Belgique), 59 €.
Photographies d’Erwin Olaf et essais de Michael James Gardner et Nina Siegal.
Version simple en anglais (59 €, ICI), version en anglais exemplaire dédicacé (59 €, ICI), version édition limitée en anglais signée avec tirage sous chemise de luxe, 100 exemplaires (500 €, ICI)
EXPOSITION - ERWIN OLAF - Dance in Close-Up - Hans van Manen vu par Erwin Olaf, Galerie Rabouan Moussion (75003 Paris), Du samedi 29 octobre au 31 décembre 2022, du lundi au samedi, de 10h à 19h30. En savoir +
Dance in Close-Up, Hans van Manen and Erwin Olaf bow, 2022, Erwin Olaf,
Extraits de l'album Tune Out, Switch Off, Drop In, publié en 2019.
— « Recorded over a period of 18 months by Chris Jack and drummer Bryan Styles, Tune Out, Switch Off, Drop In is the seventh studio album from Japan based trio The Routes. »
— ÉCOUTER L'ALBUM (gratuitement, et achat) > Bandcamp
« Thibault Boulvain a soutenu en 2017, à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, une thèse sur les représentations visuelles de la séropositivité et du sida, en Europe et aux États-Unis, entre 1981 et 1997. L’ouvrage qui en est issu, L’art en sida. 1981-1997, a paru en juin 2021 aux Presses du réel (collection « Œuvres en sociétés ») > ICI. »