lundi 6 octobre 2025

Danse - Volmir Cordeiro fonce (« Parterre »)

Lucia Garcia Pulles dans Parterre, Photo Laurent Philippe

La première de la nouvelle création de Volmir Cordeiro, Parterre, s'est déroulée à la Briqueterie à Vitry-sur-Seine (94), dans le cadre de la 5° édition du festival Excentriques. On entre dans la salle du rez-de-chaussée par le bas, au niveau de la scène. Elle est presque vide. Un sentiment d'immensité, et de tranquillité, vous saisit. «Ça respire», se dit-on, comme si un immense bol d'air frais nous était offert. 

Un sol gris clair, traversé de quelques lignes droites ou courbes gris foncé. Au fond, une longue barre noire de la largeur du plateau, à deux mètres de haut, sur laquelle sont posés des vêtements dans des noirs, des blancs et des gris. Tout au fond aussi, une frêle jeune femme avance lentement et discrètement, des branchages réunis à la main droite, la tête et le buste penchés vers le sol souvent. Elle le frappe, ou son dos nu, sans violence. Elle va évoluer dans tout l'espace.  

Ainsi, vont se succéder, chacun ayant droit à un solo, Lucia Garcia Pulles, Volmir Cordeiro, Marius Barthaux, Elie Autin et Cassandre Moun. Il est important de les nommer tant la qualité de la danse et de leurs engagements sont impressionnants tout au long de la pièce. 

Dans ces solos, on repère donc qu'ils ont souvent la tête baissée mais sans que cela n'altère en rien leurs déterminations à aller de l'avant, et, pourquoi pas, leur dignité. Aller de l'avant comme un militaire qui progresse sur un terrain d'opération. Baisser la tête pour se faire discret, pour éviter les balles ennemies. On pense aussi à des petits personnages de BD, à des zoulous, à des zazous. 

Au bout de vingt minutes, la pièce est à un tournant. Les interprètes sont réunis, les bustes et plus largement les corps se tendent, dans une frontalité nouvelle. Ils sont habillés soudain comme à une cour de Louis XIV, mais à partir de matériaux de récupération, et pourtant forts élégants. Ils font société, au sens du jeu social et du contrôle social, grimaçants. Cependant, la pièce va défaire rapidement cet ordre pour retrouver et défendre un appétit féroce de liberté, enivrante, puissante, tourbillonnante, vitale. Les costumes sont signés Rubén Pioline Aronian avec la couturière Coco Blanvillain. On saluera la création sonore de Loup Gangloff, qui pulse.

Le chorégraphe explique dans une interview : « C'est ce parterre, tel qu'il était constitué dans la hiérarchie théâtrale du 18e siècle, où les personnes parlaient, mangeaient, buvaient, se retrouvaient autour d'une expérience sociale. J’ai aussi un tropisme pour le comportement carnavalesque et la joie participative, qu’on active en abolissant la hiérarchie sociale, et qui a à voir avec une forme d’égalité spatiale puisque les corps se mélangent en un même lieu du débat, du tumulte. »  Il défend ce qu'il nomme « une gestuelle de l’indiscipline. » (ICI)

Construction rigoureuse, pour une proposition réjouissante, exigeante tout en étant populaire, de quoi ravir un public de 7 à 107 ans. 
Fabien Rivière 

Parterre, de Volmir Cordeiro, La Briqueterie - Centre de Développement Chorégraphique National (CDCN) du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine, dans le cadre du festival Excentriques (25/09 au 11/10), du 1 au 3 octobre, vu le 2 octobre.  En savoir +

TOURNÉE : 
— Mardi 7 et mercredi 8 octobre 2025 - Friche La Belle de Mai, Festival ActOral - festival des arts et des écritures contemporaines, MarseilleEn savoir + 
— 28 mars 2026 - Le Dancing CDCN (Centre de développement chorégraphique national), au Parvis Saint Jean, Dijonwww.ledancing.com 
— Mardi 28 et 29 avril 2026 - Théâtre Olympia - CDN (Centre dramatique national) Tours avec le CCN (Centre chorégraphique national) de Tours.  En savoir + 

dimanche 5 octobre 2025

« Parterre » de Volmir Cordeiro

Parterre, Photo Laurent Philippe

.La Briqueterie vient de présenter la création de Volmir Cordeiro sobrement intitulée Parterre dans le cadre du festival d’Automne 2025. Selon nous, cette pièce d’une heure et des poussières fait entrer l’ex-danseur de Lia Rodrigues dans la cour des chorégraphes qui comptent.

Le parterre avait à l’origine le sens de sol, de plancher, avant de désigner, selon l’Académie, la partie d’une salle de spectacle située entre les fauteuils d’orchestre et le fond du théâtre. La notion englobe, connote ou contamine celles de parquet, plate-bande, verdure, pelouse, massif, carré, boulingrin. Au sens large, le mot désigne l’orchestre, les stalles, la galerie, donc aussi le spectateur. Lequel était au départ debout et, de nos jours, assis mais non en lieu et place du prince. Le parterre peut être de buis, de gazon ou de fleurs. Paradoxalement, il arrive qu’il soit aquatique puisqu’on emploie parfois l’expression parterre d’eau pour qualifier un bassin. En Espagne, on lui préfère le solide et on parle de macizo (de massif). Au Brésil, on utilise l’expression canteiro de flores si bien que, dans sa note d’intention, Volmir Cordeiro exprime le désir de « faire émerger un jardin de couleurs et de parfums capable de nous rendre ensemble et confiants ». Que cent fleurs s’épanouissent, donc, pour paraphraser Mao.

Ce rêve éveillé de Volmir Cordeiro débute un peu comme le conte Cendrillon de Perrault et de Grimm – thème qui a inspiré les chorégraphes, de Louis-André Duport à Jean-Christophe Maillot, en passant par Petipa-Ivanov-Cecchetti, Laban, Fokine, Ashton, Gsovski, Noureev, etc. Tandis que s'installe l’assistance, une interprète, déjà dans la place, Lucia García Pulles, vêtue d’un jupon bleu en matière plastique conçu par Rubén Pioline Aronian et cousu par Coco Blanvillain, balaie consciencieusement le plateau au moyen d’un branchage cueilli, peut-on penser, dans le jardin de la Briqueterie – tout théâtre a son parterre, sa cour et son jardin. Des marques au sol rappellent celles qui ornaient le parquet du palais des Sports pour IXe Symphonie (1964) de Béjart. Ces cercles, triangles, lignes et signes n’ont rien de cabalistique, rien à voir avec un culte orisha. Elles évoquent la géométrie du jardin à la française, ainsi que le précise le chorégraphe. Avec la longue patère au fond du parterre où pendent des vêtements colorés, pauvres et baroques à la fois, ces traces grises sur PVC clair composent la scénographie d’Hervé Cherblanc.

Après l’extinction des lumières de salle, entrent en jeu les feux du spectacle sous le contrôle d’Éric Wurtz. Et entre en scène le danseur-chorégraphe en personne. À l’admirable variation en forme de prestation de service de Lucia García Pulles, succède un solo délicat de Volmir Cordeiro qui, usant d’une serpillère pour accessoire, parachève le nettoyage de la moindre particule de terre. La bande-son percussive et festive de Loup Gangloff monte de plusieurs degrés et dizaines de décibels. Trois autres performances individuelles se suivent sans se ressembler : celle, technique et athlétique de Marius Barthaux, celle, élégante et indolente, d’Élie Autin, celle, déliée et gracieuse de Cassandre Moun. Sans transition, sans pas de deux ou de plus, on passe au deuxième acte de la pièce, constitué d’un travail d’ensemble. En d’autres termes – ceux du programme –, « les cinq singularités s’imbriquent, se combinent. » La géométrie terre à terre triomphe de toute hiérarchie sociale. Volmir Cordeiro considère le théâtre comme « un espace intrinsèquement démocratique ».

Nicolas Villodre

Parterre, de Volmir Cordeiro, La Briqueterie - Centre de Développement Chorégraphique National (CDCN) du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine, dans le cadre du festival Excentriques (25/09 au 11/10), du 1 au 3 octobre, vu le 3 octobre.  En savoir +

TOURNÉE : 
— Mardi 7 et mercredi 8 octobre 2025 - Friche La Belle de Mai, Festival ActOral - festival des arts et des écritures contemporainesMarseille. En savoir + 
— 28 mars 2026 - Le Dancing CDCN (Centre de développement chorégraphique national), au Parvis Saint Jean, Dijonwww.ledancing.com 
— Mardi 28 et 29 avril 2026 - Théâtre Olympia - CDN (Centre dramatique national) Tours avec le CCN (Centre chorégraphique national) de Tours.  En savoir +